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Veille juridique du 1er décembre 2020

SECTION DROIT DU TRAVAIL 

GÉNÉRAL

Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales c. Procureur général du Québec, 2020 QCCA 1453
https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca1453/2020qcca1453.pdf

Les faits de cette affaire sont les suivants : la Commission de la fonction publique (ci-après : « la Commission ») en première instance conclut à de la discrimination de la part de l’employeur envers Me Karine Frenette. Selon la Commission c’est en raison de sa grossesse que Me Frenette n’a pas obtenu le poste auquel elle a posé sa candidature. La Commission juge que le comportement de l’employeur enfreint les articles 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la personne et ordonne au Directeur des poursuites criminelles et pénales d’octroyer à Me Frenette le poste convoité. L’intimé se pourvoi en contrôle judiciaire, notamment sur la question de la compétence de la Commission d’accorder le remède choisi et le caractère approprié de ce dernier. La Cour supérieure en révision judiciaire donne gain de cause à l’intimé sur sa deuxième prétention et indique que la Commission a outrepassé sa compétence, ce qui fait l’objet du présent appel.

Selon l’intimé (qui reprend l’argument en appel), en ordonnant l’attribution du poste à Me Frenette, la Commission aurait usurpé le pouvoir de nomination que le législateur confère en exclusivité à la Directrice des poursuites criminelles et pénales (« Directrice ») et se serait immiscée dans l’exercice du pouvoir de gérance qui appartient à celle-ci à ce titre et à celui d’employeur. La Cour supérieure ne retient pas cette prétention et estime que le pouvoir de nomination des procureurs prévu à l’article 25 de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales, ne vient aucunement restreindre la compétence de la Commission d’ordonner une mesure réparatrice en application de l’article 49 de la Charte, ces deux dispositions ayant un objet et un objectif fort différents.  Selon la Cour supérieure, le droit d’embauche et de gérance du DPCP en l’espèce est subordonné aux dispositions de la Charte qui, en cas d’atteinte à un droit qu’elle garantit, permettent à un tribunal, en l’occurrence la Commission, d’ordonner une mesure réparatrice pouvant comprendre l’octroi d’un poste à une personne lésée. La Cour d’appel énonce d’emblée dans sa décision qu’elle partage l’opinion de la Cour supérieure sur cette question.

La deuxième prétention de l’intimé était le fait que la mesure de réparation ordonnée par la Commission n’était pas appropriée dans les circonstances. La Cour supérieure indique que la Commission s’est substituée à l’employeur ou, plus exactement, au comité de sélection mis en place par celui-ci afin de remplir le poste vacant. La Cour conclut au caractère déraisonnable de l’ordonnance de la Commission. La Cour d’appel infirme la décision de la Cour supérieure sur cette question. Elle retient que la salariée a franchi toutes les étapes et qu’elle n’a pas, au final, obtenu le poste en raison de sa grossesse. La Commission pouvait donc ordonner qu’on le lui accorde, ce qui n’est pas déraisonnable.

Appel accueilli.

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POLICIERS ET POLICIÈRES

Sabaziotis c. Sécurité-Policiers Ville de Montréal, Tribunal administratif du travail, 24 novembre 2020
Décision disponible sur demande

La travailleuse est policière à l’Unité métro pour le service de Sécurité-Policiers Ville de Montréal. Elle allègue avoir subi une lésion professionnelle, soit une entorse lombosacrée, en juillet 2018. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : « CNESST ») refuse la réclamation en raison du fait que l’évènement est survenu alors que la travailleuse se querellait avec un collègue de travail, ce qui fait l’objet du présent litige.

L’employeur prétend que l’évènement d’origine n’est pas survenu par le fait ou à l’occasion du travail, notamment en raison de l’absence de connexité avec le travail et que la travailleuse était dans sa sphère personnelle au moment de la bousculade avec son collègue.

Le Tribunal analyse la définition des termes « à l’occasion du travail » prévus à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après : « LATMP »). Le Tribunal conclut qu’il ressort de la jurisprudence que les lésions consécutives à des taquineries et à des altercations en milieu de travail seront habituellement reconnues lorsqu’il existe un lien plus ou moins direct entre le travail et la survenance de l’évènement. Le Tribunal conclut qu’un tel lien existe dans la présente cause, et ce, notamment pour les motifs suivants : le contexte ayant donné́ naissance à la bousculade est lié aux tâches de travail, l’utilisation du mot « cadet » est également en lien avec le monde policier et fait référence à un étudiant qui n’est pas policier, mais qui agit en support aux opérations policières et il n’y a aucune preuve que cette bousculade découle d’un conflit purement personnel, d’un conflit de personnalités ou d’un conflit dont la cause est étrangère au travail.

Dans les circonstances, le Tribunal considère que l’évènement d’origine est survenu à l’occasion du travail. Le Tribunal juge que la lésion professionnelle du 19 juillet 2018 est consolidée depuis le 5 septembre 2018, que la travailleuse ne conserve aucune limitation fonctionnelle de cette lésion et que celle-ci est capable d’exercer son emploi en date du 5 septembre 2018.

Contestation accueillie.

Nous tenons à féliciter Me Julien David-Hobson pour son travail !

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Martin Dessureault c. Ville de Gatineau, Tribunal administratif du travail, 25 novembre 2020.
Disponible sur demande.

Le travailleur dépose une réclamation à la CNESST pour un ongle incarné infecté à l’hallux du pied gauche et sa réclamation est refusée en raison du fait qu’il ne s’agit pas d’une lésion professionnelle au sens de la LATMP. Le travailleur conteste la décision devant le Tribunal administratif du travail.

Les faits sont les suivants : à l’été 2018, le travailleur est assigné à un poste de patrouilleur pédestre entre les mois de mai et de septembre. Son collègue et lui parcourent entre 10 et 15 kilomètres par jour en sillonnant les rues du centre-ville de Gatineau (Vieux-Hull). Le 18 juillet 2018, le travailleur cesse de travailler en raison d’un ongle incarné infecté à l’hallux du pied gauche. Le 19 juillet, il subit une chirurgie au niveau de l’ongle (matricectomie partielle permanente), pratiquée par un podiatre. Le même jour, le travailleur produit une réclamation. Il consulte plus tard un médecin qui confirme le diagnostic émis par le podiatre.

L’employeur prétend que la lésion subie par le travailleur ne rencontre pas la définition de blessure au sens de la jurisprudence et qu’il ne peut donc bénéficier de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la Loi. Selon le Tribunal, il est manifeste à la lumière de la décision de principe rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Boies, que l’ongle incarné dont a souffert le travailleur constitue une blessure au sens de cette définition. Selon le Tribunal, le témoignage du travailleur décrit très bien la survenance et l’apparition de la pathologie. La saison commence vers le 5 juin 2018. Avant d’entamer la patrouille estivale, il n’avait aucun problème avec cet orteil. Il achète de nouvelles espadrilles et rapidement, entre le 5 et le 12 juin 2018, une condition médicale apparaît au gros orteil; il croit que c’est en raison de ces nouvelles chaussures – un frottement. Il essaie de résoudre le problème lui-même, mais à mesure qu’il enfile les kilomètres, jour après jour, sur une période additionnelle de trois semaines, sa condition ne fait qu’empirer. Le Tribunal ne peut que conclure que ce frottement s’assimile à un agent vulnérant. La chaussure n’est possiblement pas bien conçue pour son pied – que ce soit le matériel qui compose les chaussures ou un problème d’ajustement – ce frottement provoque rapidement une lésion à l’orteil; il s’agit manifestement d’un agent vulnérant extérieur de nature physique.

Le Tribunal conclut que cette lésion constitue manifestement une blessure au sens de la jurisprudence du Tribunal. Selon le Tribunal, l’employeur n’a soulevé aucun élément de preuve convaincant pouvant servir à renverser cette présomption.

Contestation accueillie.

Félicitations à Me Amélie Soulez pour cette victoire !

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La Fraternité des policiers de Saguenay de la Ville de Saguenay inc. c. Ville de Saguenay, Tribunal d’arbitrage, 23 novembre 2020
Décision disponible sur demande

Le syndicat dépose un grief au nom de M. François Potvin, policier au service de l’employeur et conteste le refus de l’employeur de représenter et défendre le policier dans le cadre de la poursuite civile dont il fait l’objet. Le syndicat invoque l’article 26.01 de la convention collective et l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes, RLRQ, c C-19.

Les faits sont les suivants : le plaignant est poursuivi en dommages par son cousin paternel, monsieur Nicolas Larouche. Ce dernier allègue dans son acte de procédure que si sa candidature n’a pas été retenue lors d’un processus d’embauche en 2017-2018 de policiers temporaires au service de police c’est en raison de mauvaises références – des propos mensongers et diffamatoires – donnés sur son compte par le plaignant. L’employeur soutient que les faits allégués dans la demande introductive d’instance ne se sont pas produits alors que le plaignant était dans l’exercice de ses fonctions. Le syndicat prétend le contraire.

Le Tribunal tient compte du fait que c’est l’employeur qui demande au candidat si ce dernier connaît un policier à l’emploi. Il est donc de bonne logique de penser que l’employeur juge pertinent et dans son intérêt, d’avoir des références en provenance d’un employé ou d’employés de son service de police. Il se trouve que le candidat Larouche a identifié monsieur Potvin, ce que d’ailleurs il ignorait. Le Tribunal n’est pas en accord avec l’affirmation de la partie patronale selon laquelle monsieur Potvin n’était pas obligé de répondre au représentant de l’employeur.

Le Tribunal conclut que dans les circonstances révélées par la preuve, monsieur Potvin était dans l’exécution de ses fonctions, considérant la finalité des renseignements qu’il a donnés à son employeur, à la demande de celui-ci et de leur pertinence au regard des affaires municipales.

Grief accueilli.

Bravo à Me Jean-François Raymond pour son excellent travail dans ce dossier !

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Commissaire à la déontologie policière c. Stéphane Savard, Comité de déontologie policière, 30 novembre 2020,C-2018-5129-3
Décision disponible sur demande

Dans cette décision, le Comité de déontologie policière se penche sur le manquement qui est reproché à l’agent Stéphane Savard du SPVM par le Commissaire, soit de ne pas avoir utilisé son véhicule patrouille avec prudence et discernement, contrairement à l’article 11 du Code de déontologie des policiers.

Les faits ayant donné lieu à la présente affaire sont les suivants. Le 28 mai 2016, l’agent Savard, alors agent de circulation, patrouille sur le boulevard métropolitain Est et entend un bruit assourdissant en provenance du boulevard Lacordaire. De par son expérience, l’agent Savard sait que ce bruit provient d’une motocyclette qui n’a aucun silencieux. Lorsqu’il a un contact visuel sur la moto, il allume ses gyrophares, utilise le signal sonore et débute le processus d’intervention.  La moto décide de continuer son chemin sur la bretelle d’accès menant à l’autoroute 40 et lui fait signe qu’elle se rangera sur l’accotement de l’autoroute. Selon la version du plaignant, l’agent Savard aurait brusquement tourné à gauche sur la voie hachurée afin de lui couper le chemin. De plus, le plaignant avance que l’agent Savard l’aurait intercepté à un endroit sans accotement. Il est à noter que l’agent Savard nie catégoriquement ces faits et a plutôt témoigné à l’effet que l’interception a eu lieu dans la voie d’accotement du ministère des transports, situé sur l’autoroute 40. L’agent Savard remet ensuite 3 constats d’infraction au plaignant, qui prétend qu’il s’agit d’une « moto artisanale » d’inspiration Harley Davidson.

Le Comité de déontologie policière acquitte l’agent Savard et mentionne que le Commissaire n’a pas rempli son fardeau de preuve de démontrer par prépondérance que l’agent Savard a effectué la manœuvre qui lui est reprochée par le plaignant.

Citation rejetée.

Félicitations à Me Kim Simard pour cette belle victoire !

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Commissaire à la déontologie policière c. Geneviève Gonthier, Comité de déontologie policière, 20 novembre 2020
Disponible sur demande

Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de déontologie policière l’agente Gonthier pour ne pas s’être comportée de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction à l’égard de monsieur Carl Méthot en refusant de la rencontrer alors qu’il en avait la demande commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec et pour ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en ne prenant pas la déclaration de monsieur Méthot commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec.

Les faits sont essentiellement les suivants : le sergente-détective relate avoir rencontré monsieur Méthot alors qu’il était en cellule pour lui expliquer les raisons de sa détention et elle a décidé de ne pas le rencontrer par la suite en raison du fait que le contact avec ce dernier n’était pas positif. La question en litige est la suivante : la sergente-détective a-t-elle mal utilisé sa discrétion policière ? Selon le procureur de la partie policière, monsieur Méthot n’a pas été laissé sans droit et la policière a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon honnête.

Le Comité rappelle que les policiers jouissent d’une très grande discrétion dans l’exercice de leurs fonctions. Selon le Comité l’opportunité de tenir une enquête dans un dossier donné et la décision de la poursuivre ou de la clore relèvent de cette autonomie inhérente à l’exercice de la fonction policière. Le Comité est d’avis que la preuve prépondérante démontre que monsieur Méthot était en colère contre la sergente-détective en raison des circonstances de son arrestation. Au surplus, la preuve démontre que la sergente-détective Gonthier a informé monsieur Méthot que, s’il désirait porter plainte, il pourrait aller au poste de police. Ainsi, rien ne laisse croire que la sergente-détective Gonthier ait agi par favoritisme et rien ne laisse voir qu’elle ait agi de mauvaise foi, de façon malhonnête et non transparente.

Citations rejetées.

Nous tenons à souligner l’excellent travail de Me Denis Gallant dans ce dossier !  

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Gerry Paul c. L’honorable Pierre Lortie et Me Marc-André Dowd, Cour supérieure, 25 novembre 2020.
Disponible sur demande.

Cette décision concerne un pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre d’un jugement rendu par la Cour du Québec en appel d’une décision rendue le 14 mai 2018 par le Comité de déontologie policière.

Les faits sont les suivants : le demandeur était policier au Service de police de Mashteuiatsh. Le 14 mai 2012, un incident est survenu au poste de police impliquant une femme agitée en état de crise possiblement dans un état suicidaire. Le policier a effectué une manœuvre et a omis de vérifier si celle-ci était blessée. Suite à cet incident, le policier est trouvé coupable de voies de fait sur la plaignante en lien avec l’incident. La juge retient que les gestes de l’agent n’étaient pas conformes aux enseignements en matière d’utilisation de la force. Le 26 janvier 2015, une absolution conditionnelle lui est accordée avec une période de probation de six (6) mois et un don de 500 $ au Centre d’aide aux victimes d’actes criminels. Par la suite, le Commissaire à la déontologie policière dépose au Comité de déontologie policière une citation en vertu de l’article 230 de la Loi sur la police visant une sanction à la suite de la condamnation du demandeur pour voies de fait. La question en litige est essentiellement la suivante: quelle est la sanction appropriée à imposer à l’agent, la destitution ou une déclaration d’inhabilité ?

Le Comité de déontologie policière arrive à la conclusion que l’inhabilité à exercer les fonctions d’agent de la paix pour une période de trois (3) ans serait la sanction appropriée. Le Commissaire dépose un appel de cette décision devant la Cour du Québec. Le juge de la Cour du Québec accueille l’appel et remplace la sanction imposée dans la décision par la destitution. Le juge retient la norme de la décision raisonnable en se basant sur l’arrêt Dunsmuir, et ce, quelques mois avant la sortie de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Vavilov.

Décision de la Cour supérieure

Sur la norme du contrôle, la Cour supérieure conclut qu’elle doit appliquer la norme de la décision raisonnable au jugement de la Cour du Québec, mais qu’elle doit également appliquer la nouvelle norme applicable aux appels administratifs. En d’autres mots, il faut considérer si le jugement est raisonnable et si le juge pouvait raisonnablement conclure que la décision contenait des erreurs manifestes et déterminantes qui auraient justifié son intervention en appel, soit sa décision de remplacer la sanction de l’inhabilité pour trois (3) ans par la sanction de destitution.

Sur le fond, le Tribunal conclut qu’il y a lieu d’intervenir. Le jugement de la Cour du Québec n’était pas raisonnable dans le sens que la décision du Comité ne contenait pas d’erreurs manifestes et déterminantes qui justifiaient le remplacement de la sanction d’inhabilité par celle de destitution, même si la destitution était une sanction possible dans les circonstances.

Demande de pourvoi en contrôle judiciaire accueillie.

 Encore une belle victoire pour le milieu policier cette semaine ! Nous tenons à souligner le travail de Me Laurence Lorion dans ce dossier.

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TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

Rien à signaler. 


POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler. 


ARTISTES

Rien à signaler. 


SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

Bissonnette c. R., 2020 QCCA 158

https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca1585/2020qcca1585.html?autocompleteStr=2020%20QCCA%201585%20%20&autocompletePos=1

Pourvoi en appel d’Alexandre Bissonnette, auteur de l’attentat terroriste de la Grande mosquée de Québec le 29 janvier 2017 ayant coûté la vie à 6 personnes, sur la constitutionnalité de l’article 745.51 C.cr., qui permet d’imposer des périodes consécutives de 25 ans avant que l’accusé ne soit admissible à la libération conditionnelle pour chaque meurtre au premier degré.

La Cour d’appel affirme que cet article, qui permet d’imposer des périodes consécutives de 25 ans avant que l’accusé ne soit admissible à la libération conditionnelle pour chaque meurtre au premier degré, est non valide et inconstitutionnel. En effet, l’article 745.51 C.cr. est contraire à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés parce qu’il permet d’imposer une peine qui sera en tout temps cruelle et inusitée, exagérément disproportionnée. Par exemple, la période de 150 ans qui aurait pu être imposée selon l’article s’avère totalement disproportionnée puisqu’elle autorise l’accusé à demander sa libération conditionnelle à une époque où il sera évidemment décédé. Cette seule possibilité démontre la portée nettement excessive et même absurde de l’article. La Cour est également d’accord avec le juge Huot en ce qui a trait à l’article 7 de la Charte canadienne. Elle estime que la disposition porte atteinte au droit à la liberté et à la sécurité d’une façon non conforme aux principes de justice fondamentale vu sa portée démesurée et sa disproportion par rapport à l’objectif du législateur. Enfin, l’article 1 de la Charte canadienne ne permet pas de sauvegarder la disposition.

Par ailleurs, la Cour est d’avis que le juge de la Cour supérieure a erré en réécrivant la disposition pour lui conférer le pouvoir d’imposer des périodes consécutives de moins de 25 ans, ce qui l’a amené à imposer une période supplémentaire de 15 ans pour une période totale de 40 ans. En raison de ses conclusions sur les articles 7 et 12 de la Charte canadienne, il devait invalider la disposition au lieu de la modifier.

En somme, l’article 745.51 du Code criminel est inconstitutionnel et son annulation immédiate est ordonnée, toute réécriture devant relever du législateur. Il faut donc revenir à la loi telle qu’elle était avant l’article 745.51 C.cr. et ordonner que les périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle de l’appelant Bissonnette soient purgées de manière concurrente, pour une période totale de 25 ans. Il ne s’agit toutefois pas d’une peine d’emprisonnement de 25 ans, mais bien d’une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de demander la libération conditionnelle avant 25 ans et il n’est pas acquis qu’elle sera nécessairement accordée.

Manoukian c. R., 2020 QCCA 1486
https://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2020/2020qcca1486/2020qcca1486.html

Les appelants et les intimés se pourvoient contre un jugement rendu le 8 janvier 2018 par l’honorable France Dulude de la Cour supérieure, district de Montréal, lequel accueille en partie l’action en dommages-intérêts intentée par les intimés et condamne les appelants à payer à ces derniers 426 100 $.

La Cour d’appel rappelle dans un premier temps le rôle du policier enquêteur et passe ensuite en revue les situations qui peuvent engager la responsabilité du policier enquêteur.

Le rôle du policier enquêteur consiste à recueillir la preuve et à la soupeser en fonction des normes et pratiques établies à l’égard de sa profession (par. 67). Conséquemment, « [l]es policiers doivent évaluer tant les éléments inculpatoires que disculpatoires, les pondérer et rester objectifs quant aux conclusions de leur enquête pour identifier l’existence de motifs raisonnables et probables » de croire qu’une infraction a été commise. En effet, « [q]uand un policier décide de donner suite à une plainte et de signer une dénonciation, il doit s’appuyer sur des motifs raisonnables » de le faire. Le policier n’est cependant pas tenu de se prononcer sur la culpabilité ou sur l’innocence du suspect ni d’être convaincu que la culpabilité de ce dernier puisse être démontrée hors de tout doute raisonnable.

La faute du policier peut découler du défaut de se renseigner suffisamment, du fait de s’appuyer sur de simples soupçons pour faire arrêter une personne ou encore, de sa décision d’écarter sans raison valable des éléments de preuve favorables au suspect avant de se porter dénonciateur. Cela étant, le policier n’est pas tenu d’épuiser toutes les avenues possibles. Tout dépend des circonstances propres à chaque cas. Ainsi, selon les circonstances, le policier n’a pas nécessairement l’obligation de prendre la version de tous les témoins potentiels, d’obtenir la version du suspect ou, autrement, d’écarter tous les moyens de défense possibles avant de procéder à l’arrestation. La conduite du policier s’évalue au moment des évènements, au cas par cas, selon les données connues lorsqu’il a pris sa décision.

La Cour d’appel confirme la conclusion de la juge de première instance laquelle affirme que les appelants ont remis au DPCP un rapport qui ne comprenait pas l’ensemble de la preuve recueillie et que, si celui-ci avait reçu un précis d’enquête complet et transparent, il n’aurait pas autorisé le dépôt d’accusations ou il aurait demandé un complément d’information avant de le faire. De plus, les conclusions de la juge en lien avec le caractère mensonger et tendancieux de certains éléments communiqués au public lors de la conférence de presse et sur le site Internet de la GRC s’appuient amplement sur la preuve. Les appelants ne démontrent aucune erreur manifeste et déterminante dans la conclusion de la juge de première instance.

Finalement, la Cour d’appel confirme que l’article 49 de la Charte québécoise s’applique puisqu’il s’agit d’une atteinte illicite et intentionnelle aux droits protégés par la Charte.  La juge décrit, avec force détails, une série de faits qui démontrent que les agents de la GRC ont commis plusieurs fautes marquées – (1) une enquête bâclée, et même biaisée, caractérisée notamment par une attitude d’ignorance systématique des éléments de preuve disculpatoires; (2) la remise d’un rapport incomplet au DPCP, ce qui empêchait une analyse objective du dossier; (3) la conférence de presse véhiculant des faits qu’ils savaient faux; et (4) le communiqué de presse contenant des faits inexacts, biaisés et visant manifestement à faire le procès des Manoukian dans les médias. Les enquêteurs ont donné de fausses informations qui laissaient croire aux médias que le couple Manoukian était coupable de traite de personnes; en l’espèce, la diffusion de ces fausses informations constitue un manque de respect choquant pour la dignité et l’intégrité des Manoukian, lequel franchit le seuil de l’atteinte illicite et intentionnelle.

Appel principal rejeté. Appel incident accueilli, à la seule fin d’ajouter, dans le jugement de première instance, une conclusion pour condamner la procureure générale du Canada, Jacques Morin et Magdala Turpin à payer à Nichan Manoukian et à Manoudshag Saryboyajian 200 000 $ chacun, à titre de dommages punitifs avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue dans le Code civil du Québec à compter du 8 janvier 2018, date du jugement de première instance.