SECTEUR DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
Jolivar et CHSLD Vigi Reine-Élizabeth, 2022 QCTAT, décision du 26 janvier 2022
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La travailleuse se voit reconnaître un diagnostic de tendinopathie à la longue portion du biceps à la suite de soins procurés dans le cadre de traitement en lien avec son accident de travail initial. La tendinopathie n’est pas consolidée. Le médecin traitant recommande des infiltrations de plasma riche en plaquettes (PRP) comme traitement. Cette recommandation est aussi partagée par la Dr. Perron qui agit comme médecin désigné pour le bureau d’évaluation médicale (BEM). La travailleuse subira trois infiltrations. La CNESST refuse le remboursement des traitements au motif que les infiltrations de PRP ne sont pas couvertes par une entente de tarification.
Le tribunal rappelle qu’en l’absence d’entente sur la tarification, la CNESST doit tout de même rembourser les coûts raisonnables des traitements subis par un travailleur en raison de son accident de travail. La présente décision s’inscrit dans une jurisprudence fortement majoritaire sur le remboursement de ce type de soins. Le tribunal s’exprime ainsi :
[18] Le Tribunal considère que la travailleuse a droit aux traitements prescrits par le médecin qui a charge d’elle et qui sont en relation avec sa lésion professionnelle reconnue. La Commission est liée par la nécessité de ce traitement prescrit par le médecin qui a charge en vertu des articles 212 et 224 de la Loi. Si elle veut contester la nécessité de ce traitement, elle doit passer par le processus de contestation médicale, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce. Il n’est pas pertinent de déterminer si ce traitement est reconnu par la communauté médicale ou encore si ce traitement est bénéfique pour la travailleuse.
[19] Dans le présent dossier, le traitement par PRP a été prescrit par le docteur Ashwin Sairam, médecin qui a charge de la travailleuse, et administré par le docteur François Gaumont auquel il l’a dirigée. La docteure Odette Perron, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, et qui évalue la travailleuse le 12 février 2020 pour sa condition à l’épaule gauche, se montre favorable à l’essai d’un traitement par PRP. Le traitement est en lien avec la lésion professionnelle reconnue à la longue portion du biceps (LPB) à l’épaule gauche.
Le tribunal accueille la contestation de la travailleuse et ordonne le remboursement des trois infiltrations de PRP.
Félicitations à Me Andrew Charbonneau pour son travail dans le dossier!
Kenney c. Clinique dentaire Prestige inc. 2021 QCTAT 5699
Dans cette affaire, la salariée travaille dans une clinique dentaire. À la suite du rachat de l’entreprise par de nouveaux dentistes, l’employeur décide de procéder à la restructuration de l’entreprise. De cet exercice, l’employeur transmet un avis de cessation d’emploi à ses quinze employés, dont la plaignante. Avant la fin du préavis, celle-ci quitte pour un nouvel emploi dans la fonction publique. Précédemment au jour de l’avis de cessation d’emploi, la plaignante était toujours en arrêt de maladie. Conséquemment, à la réception de l’avis, celle-ci prend la décision de déposer deux plaintes distinctes, soit en vertu des articles 122 et 124 de la Loi sur les normes du travail. La première vise l’interdiction pour un employeur de congédier un salarié pour avoir exercé un droit prévu à la loi, en l’espèce une absence maladie. Indépendamment de ce recours, la plaignante prétend avoir été congédiée sans cause juste et suffisante, elle qui détenait plus de deux ans de service continu.
Dans un premier temps, le tribunal se penche sur l’argument patronal à l’effet que la plaignante n’a pas été congédiée, car elle a quitté son emploi avant la terminaison d’emploi. Au surplus, l’employeur prétend qu’il avait l’intention de prolonger l’emploi de la plaignante et de lui offrir un nouveau de contrat de travail. Le tribunal rejette ses deux arguments. Il considère que la cessation d’emploi est à l’initiative de l’employeur et que le comportement de la plaignante à la suite de cet avis ne change rien à la qualification de la terminaison d’emploi.
Cependant, le tribunal rejette la plainte de la plaignante en vertu de l’article 122 LNT. Il considère que l’employeur a démontré que l’absence maladie de la travailleuse n’a rien à voir avec la décision de restructuration.
Dans un deuxième temps, le tribunal accueille la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante. Il n’apparaît pas de la preuve au dossier que l’employeur avait de réels motifs économiques pour procéder à une telle restructuration et se départir de la plaignante. Pour le juge administratif, l’aliénation d’entreprise ou la modification des structures de travail n’équivaut pas à un laissez-passer pour déroger aux dispositions de la loi :
[31] S’il est vrai que la loi reconnait à un employeur le droit de gérance de son entreprise, il doit quand même le faire dans le respect de la LNT. Cette loi interdit, entre autres, de congédier sans cause juste et suffisante un salarié qui, comme la plaignante, justifie plus de deux ans de service continu. Conformément à l’article 97 de la LNT, l’aliénation d’une entreprise ou la modification de sa structure juridique n’affecte pas la continuité de l’application des normes du travail. Les nouveaux propriétaires de la clinique étaient liés par le contrat de travail de la plaignante et ne pouvaient y mettre fin unilatéralement à leur discrétion.
POLICIERS ET POLICIÈRES
Fraternité des policiers et policières de la Ville de Montréal et Ville de Montréal, 2022 QCTAT, 25 janvier 2022 (Juge adm. Michel Larouche)
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La Fraternité sollicite l’intervention de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : « CNESST ») considérant que l’employeur ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de prévention des lésions professionnelles en regard de l’aménagement des terrains de stationnement et des voies d’accès aux postes de police utilisés par ses membres. Essentiellement, certains postes de quartier (PDQ) disposent de stationnements ou de voies d’accès qui sont peu ou pas sécurisés. La CNESST rend un rapport dans lequel elle ne reconnaît pas de lien entre l’aménagement des lieux et la sécurité des policiers. La Fraternité conteste cette décision devant le tribunal.
D’abord, le tribunal identifie que les obligations de l’employeur ne sont pas restreintes à l’unique période où le travailleur offre une prestation de travail. Ainsi, malgré que les policiers se rendent habituellement au stationnement en dehors de l’exercice de leurs fonctions, les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité au travail continuent de s’appliquer et l’employeur doit chercher à éliminer les risques en relation avec le travail policier. Le tribunal précise que l’obligation de l’employeur en est une de moyen. La Fraternité a démontré au cours de l’audience que la Ville de Montréal n’a pas pris les moyens raisonnables pour contrôler et éliminer les risques dans les stationnements et les voies d’accès. Le tribunal écrit :
[39] Il a été mis en preuve que le seul fait d’être policier constitue un risque d’agression de la part d’une certaine frange de la population. Ce risque ne disparaît pas du fait que l’on se retrouve dans un stationnement ou une voie d’accès à un poste de police. D’ailleurs, l’employeur a bien pris soin d’apposer une affiche aux portes d’accès des postes de police rappelant qu’au moment de franchir cette porte, on pénètre en territoire à risque.
[40] Que ces risques découlent de l’aménagement des terrains de stationnement et les voies d’accès est sans conséquence. L’obligation de l’employeur est de les identifier et prendre les mesures pour les éliminer. Si ce résultat peut être atteint par l’aménagement des lieux, l’employeur doit alors prendre les moyens raisonnables pour améliorer la sécurité de ses travailleurs.
Le tribunal accueille la réclamation de la Fraternité et il émet une dérogation à l’employeur. Celui-ci dispose de six (6) mois pour identifier et contrôler les risques pouvant affecter les policiers.
Félicitations à Mes Venditti et Hobson pour leur implication dans ce dossier !
Fraternité des policiers et policières de la ville de Montréal c Montréal (ville), 2022 CanLII 3268 (QC SAT)
Au cours d’une journée de congé, un policier de la ville de Montréal procède à des emplettes à une succursale de la SAQ à l’extérieur du territoire de Montréal. Il est en tenue civile. En attente à la caisse, il entend un client crier au vol d’une bouteille de spiritueux. Le gérant de la succursale prend le téléphone pour aviser le service de police. Le plaignant, de son côté, se met en poursuite du suspect quittant le commerce. Il intercepte finalement l’individu à l’intérieur de son véhicule, il lui retire les clés et ce sont les policiers de la ville de Longueuil qui vont procéder à l’arrestation du suspect.
À son retour au travail, le policier procède à une réclamation de temps supplémentaires, pour appel en devoir, en raison de son intervention à la SAQ. La convention collective prévoit effectivement qu’un policier appelé en devoir à l’extérieur du territoire peut être rémunéré dans de telles circonstances. L’arbitre Provençal rejette le grief au motif que les faits relatés démontrent que la situation ne nécessitait pas l’intervention du policier, ainsi il ne se qualifie pour un appel en devoir au sens des articles 1 et 10 de la convention collective :
« Le présent article ne s’applique toutefois au policier qui agit à l’extérieur du territoire de la Ville de Montréal sans être en service commandé qu’en autant que ledit policier agit dans une situation d’urgence où son intervention immédiate est nécessaire pour protéger la vie, l’intégrité physique ou les biens d’un citoyen. »
Pour le tribunal, le commerce disposait de caméras de surveillance, de multiples témoins avaient observé la scène et il aurait été possible de seulement noter la plaque d’immatriculation du suspect. Dans ce contexte, l’arbitre juge que les critères d’urgence et de nécessité ne sont pas remplis.
TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER
Corporation d’Urgences-Santé de la région de Montréal Métropolitain c. Syndicat du préhospitalier-CSN, 2022 QCCA 97
Dans cette affaire, le Syndicat mène des actions concertées, notamment des modifications à l’uniforme des paramédics. L’Employeur dépose sept griefs pour contravention à la clause 27.01 de la convention collective sur le port obligatoire de l’uniforme. L’arbitre Me Maureen Flynn les accueille et déclare illégal le non-respect de l’uniforme. Le juge Pierre Nollet de la Cour supérieure estime que le raisonnement suivi par l’arbitre est incomplet et que son interprétation de la clause 27.01 de la convention collective n’est pas le seul possible et pourrait aller à l’encontre de l’intention des parties. Il accueille donc la demande, annule la sentence arbitrale et renvoie le dossier devant un nouvel arbitre.
La Cour d’appel doit décider si le juge de la Cour supérieure a erré dans l’application de la norme de la décision raisonnable et si la sentence arbitrale est raisonnable au sens de l’arrêt Vavilov. D’abord, elle juge qu’il est faux de dire, comme l’a fait le juge, que l’arbitre n’a pas analysé la clause 27.01 de la convention collective avant de conclure qu’aucune modification à l’uniforme n’est permise. Ensuite, La Cour rejette l’argument du Syndicat selon lequel l’arbitre a omis de constater que les moyens de visibilité sont des activités protégées par la Charte. La Cour écrit :
[61] Certes, l’Arbitre s’exprime maladroitement lorsqu’elle écrit, à la fin de ses motifs, que « [c]ompte tenu des circonstances propres à cette affaire, j’estime que chacune des modifications apportées au port de l’uniforme et visées par les griefs est illégale et n’est pas protégée par la Charte ». Elle veut dire par là que l’obligation de respecter la clause 27.01 de la convention collective en période de paix industrielle l’emporte ici sur la Charte. À mon avis, cette tournure maladroite n’altère pas son raisonnement qui, pour l’essentiel, repose sur une mise en balance somme toute proportionnée des intérêts en jeu.
[62] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable, faut-il le rappeler, « n’est pas une “chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur” ». Il suffit que la cour de révision soit « en mesure de suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale ». J’estime que c’est le cas ici.
Finalement, selon le Syndicat, l’arbitre confond moyen de pression et grève et affirme erronément que le Syndicat ne peut exercer aucun moyen de pression au cours de la période d’application de la convention collective. Selon la Cour d’appel, cette lecture de la sentence est erronée :
La ratio decidendi de la sentence est qu’au cours de la période de paix industrielle, le Syndicat et ses membres ne peuvent exercer des moyens de pression qui contreviennent à la convention collective. En revanche, ils peuvent recourir à d’autres modes d’expression ou exercer d’autres moyens de pression qui ne sont pas prohibés par le Code du travail, tels que des tracts, communiqués de presse, conférences de presse, manifestations, annonces, macarons, etc (par. 76)
Selon la Cour d’appel, tant le raisonnement suivi par l’arbitre que le résultat sont raisonnables. Elle conclut donc que le juge n’aurait pas dû annuler la sentence de l’arbitre. Elle accueille l’appel et rejette la demande de pourvoi en contrôle judicaire.
POMPIERS ET POMPIÈRES
Rien à signaler.
ARTISTES
Rien à signaler.
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