SECTION DROIT DU TRAVAIL
GÉNÉRAL
ALERTE
Arrêté numéro 2020-029 de la ministre de la Santé et des Services sociaux en date du 26 avril 2020
Émis à titre de mesure visant à protéger la santé de la population dans le contexte actuel en lien avec la pandémie de la Covid-19, cet arrêté énonce, entre autres, ce qui suit :
QUE toute réunion, séance ou assemblée qui a eu lieu en personne, y compris celle d’un organe délibérant, puisse se tenir à l’aide d’un moyen permettant à tous les membres de communiquer immédiatement entre eux ;
QUE lorsqu’un vote secret est requis, celui-ci peut être tenu par tout moyen de communication convenu par toutes les personnes ayant droit de vote ou à défaut, par tout moyen permettant, à la fois, de recueillir les votes de façon à ce qu’ils puissent être vérifiés subséquemment et de préserver le caractère secret du vote ;
Les avocats de Roy, Bélanger avocats sont d’avis que cet arrêté est applicable lors des assemblées syndicales. Il trouve notamment application lors d’assemblées générales ou dans les situations de vote au scrutin secret prévues aux articles 20.1 à 20.3 du Code du travail, soient les votes d’élection, de grève ou de signature d’une convention collective. En ce sens, l’article 20.5 C.t. prévoit que les statuts et règlements d’un Syndicat peuvent comporter des exigences supérieures à celles prévues à ces articles.
Dans certains cas d’espèce, les statuts et règlements ne permettent ni la tenue d’une assemblée générale ni l’exercice de tels votes par moyens technologiques, exigeant ainsi le déplacement physique de l’ensemble des membres du Syndicat. Cependant, dans les circonstances actuelles, ce décret pourrait constituer une assise permettant de déroger à ces modalités. Malgré ses statuts et règlements, un Syndicat pourrait donc, d’une part, tenir une assemblée générale au moyen d’un système de communication virtuelle, dans la mesure où celui-ci permet à tous ses membres de communiquer immédiatement entre eux, ou d’autre part, autoriser un vote électronique, par courriel par exemple.
Pour toutes questions à ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter.
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Société de transport de Montréal c. Syndicat de transport de Montréal (CSN), 2020 QCTAT 1845
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat1845/2020qctat1845.pdf
Le Tribunal est saisi d’une demande d’intervention urgente déposée par la Société de transport de Montréal alléguant que des employés visés par l’unité de négociation ont exercé une grève illégale le 16 avril 2020. Dans le contexte actuel lié à la Covid-19 et étant donné l’urgence de la demande, celle-ci est entendue le soir même, par vidéoconférence. Considérant que la preuve démontre qu’il y a eu action concertée et que celle-ci cause préjudice ou est susceptible de causer préjudice au service auquel la population a droit, le Tribunal rend séance tenante les ordonnances suivantes, notamment en précisant que les motifs seront rendus ultérieurement :
ACCUEILLE la demande d’intervention ;
DÉCLARE que l’arrêt de travail exercé par le Syndicat du transport de Montréal (employés des services d’entretien) (CSN), ses officiers, représentants ou mandataires est illégal ;
DÉCLARE que l’arrêt de travail des salariés de la STM est illégal ;
ORDONNE au Syndicat du transport de Montréal (employés des services d’entretien) (CSN), à ses dirigeants, représentants et mandataires de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les membres du Syndicat fournissent leur prestation normale de travail de la manière usuelle ;
ORDONNE à tous les salariés, membres du Syndicat du transport de Montréal (employés des services d’entretien) (CSN), de fournir leur prestation normale de travail de la manière usuelle ;
Au soutien de ces conclusions, le Tribunal précise que dans l’exercice de sa compétence à l’occasion d’un conflit entre les parties se déroulant en dehors de l’exercice légal du droit de grève, comme en l’espèce, son rôle est de s’assurer que la population reçoit les services auxquels elle est en droit de recevoir ou que celle-ci ne soit pas susceptible d’en être privés. Pour faire droit à la demande d’intervention, il doit être convaincu être en présence d’un confit, d’une action concertée au sens du Code du travail et que ce « conflit porte préjudice ou est vraisemblablement susceptible de porter un préjudice à un service auquel le public a doit ».
Tout d’abord, il fait droit au premier critère analysé.
Quant au critère de la concertation, le Tribunal rappelle, en se fondant sur la jurisprudence pertinente en la matière, que dès lors qu’un nombre d’employés cessent ou refusent simultanément de fournir leur prestation de travail, une présomption se crée à l’effet qu’ils agissent de manière concertée. Ainsi, il revient à la partie syndicale de renverser cette présomption en démontant que cette cessation de travail n’est qu’une coïncidence et non le fruit d’un geste concerté, ce qu’en l’espèce le Syndicat n’a pas été en mesure de faire. Il retient plutôt de la preuve que plusieurs salariés ont refusé d’effectuer leur prestation de travail au cours de la journée du 16 avril 2020 à la suite de l’imposition d’une mesure disciplinaire au président du Syndicat et qu’il se dégage de la réponse syndicale à la mise en demeure reçue, une motivation commune de l’appuyer. Étant donné que cette grève a eu lieu alors que la convention collective qui lie les parties était toujours en vigueur, le Tribunal la qualifie d’illégale.
Finalement, le Tribunal est d’avis que l’entretien des autobus et du métro est indispensable pour assurer le service de transport auquel la population a droit. Il précise que cela est d’autant plus nécessaire en contexte de crise sanitaire alors que le transport collectif a été qualifié de service prioritaire par le gouvernement du Québec et doit être maintenu.
La demande d’intervention est accueillie.
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Commission scolaire du Val-des-Cerfs c. Ferland, 2020 QCCS 979
https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2020/2020qccs979/2020qccs979.pdf
Dans cette affaire, le Tribunal doit se prononcer sur une demande de pourvoi en contrôle judiciaire d’une sentence arbitrale ayant accueilli le grief de congédiement d’un enseignant, substitué cette sanction à une suspension sans traitement de neuf mois et demi et ayant ordonné sa réintégration dans ses fonctions. Celui-ci avait été congédié pour avoir entretenu une relation de séduction et eu des rapports sexuels avec une étudiante d’âge majeur. Malgré la nature et la gravité objective des fautes professionnelles commises, l’arbitre Ferland conclut, après une analyse des facteurs aggravants et atténuants de l’affaire, que le congédiement était injustifié.
La demanderesse, la Commission scolaire du Val-des-Cerfs se pourvoit contre cette décision au motif que la décision rendue ne revêt pas les attributs de la raisonnabilité en ce que, d’une part, « l’arbitre aurait complètement occulté ou significativement atténué la gravité objective des gestes posés par l’enseignant et que ceux-ci devaient nécessairement mener à une fin d’emploi. Ce faisant, il n’a pas maintenu le congédiement, alors qu’il s’agissait de la seule issue possible. », et d’autre part « l’arbitre aurait commis plusieurs erreurs rendant sa décision déraisonnable, entre autres, en refusant de donner plein effet aux facteurs aggravants qu’il identifie pourtant lui-même, en omettant de tenir compte de certains de ces facteurs ou en appréciant mal le poids à donner aux facteurs atténuants et en rendant une décision dont les motifs sont contradictoires ou ne s’appuient pas sur la preuve au dossier. »
D’abord, le Tribunal établit que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la raisonnabilité, conformément aux enseignements de l’arrêt Vavilov de la Cour suprême du Canada. Puis, il précise que le congédiement, qui était une issue possible dans les circonstances, n’était pas la seule, rejetant ainsi le premier motif de contestation de la demanderesse. Quant au deuxième motif de contestation soulevé, le Tribunal rappelle que son rôle n’est pas de procéder à une seconde analyse de la preuve, d’apprécier la crédibilité des témoins, de réévaluer les arguments présentés devant l’arbitre ou de substituer son opinion à celle de l’arbitre quant à la sévérité de la mesure disciplinaire. Finalement, bien qu’il qualifie la sanction déterminée par ce dernier de clémente, le Tribunal est d’avis que celle-ci n’est pas complaisante, irrationnelle ou déraisonnable. Il ajoute que sa démarche intellectuelle est irréprochable et que ses motifs exposent amplement les raisons qui l’ont amené à modifier la mesure disciplinaire imposée, et ce, conformément à la preuve qui lui avait été soumise et des circonstances de la présente affaire. Autrement dit, puisque cette sanction substituée « repose sur une analyse et un raisonnement compréhensibles et intelligibles et est justifiée en regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci », il n’a pas lieu d’intervenir.
La demande de pourvoi en contrôle judiciaire est rejetée.
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POLICIERS
Fraternité des policiers de Lévis Inc. c. Ville de Lévis
Décision disponible sur demande
Cette décision interlocutoire a été rendue alors que le Tribunal d’arbitrage était saisi d’un grief de congédiement d’un policier de la Ville de Lévis et porte sur la demande de la partie patronale de faire entendre un témoin derrière un paravent.
Au soutien de sa demande, elle dépose une déclaration sous serment relatant la timidité, les appréhensions, les craintes et la nervosité de ce témoin de devoir témoigner en présence du plaignant. Elle soutient que bien que la règle de principe soit à l’effet que les débats doivent être publics, il existe des exceptions permettant au Tribunal d’accorder une telle demande lorsque le droit de l’employeur de présenter une preuve complète est compromis.
Les parties s’entendent pour garder confidentiel le nom de ce témoin, mais le Syndicat s’objecte à cette demande au motif que la démarche initiée par l’Employeur porte atteinte aux droits du plaignant. La partie syndicale fait valoir que le droit d’être entendu implique à la fois les communications verbales et non verbales. Elle invoque également qu’une preuve de crainte objective et des circonstances particulières pouvant justifier une telle demande sont nécessaires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Se fondant sur une décision rendue en ce sens, elle précise qu’une telle demande ne doit pas servir à surprotéger un témoin ou à maximiser son confort.
Selon le Tribunal, le pouvoir que lui confère l’article 100.12 g) du Code du travail de rendre des ordonnances provisoires propres à sauvegarder les droits des parties doit s’exercer de manière judiciaire, ce qui implique qu’elle doit se justifier au regard des faits, lesquels doivent être suffisants pour recourir à l’exception du principe des débats publics. Dans son analyse, il rappelle que faire droit à une telle demande ne devrait pas avoir pour effet de préjuger le cas dont il est saisi ou de stigmatiser le plaignant. Ainsi, il conclut que la timidité, la nervosité et les craintes invoquées constituent des réactions émotives normales qui ne peuvent justifier l’octroi de la mesure exceptionnelle demandée sans qu’il en résulte une brèche aux principes de justice fondamentale. Néanmoins, afin d’assurer une saine administration de la justice, le Tribunal est d’avis que l’aménagement de la salle d’audience, de sorte que le témoin soit devant lui, mais sans être à la hauteur immédiate du plaignant pour éviter les contacts visuels, représente une mesure d’accommodement suffisante en l’espèce pour respecter les droits de chacune des parties.
La demande est partiellement accueillie.
Félicitations à Me Frédéric Nadeau pour son travail dans ce dossier !
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POMPIERS
Pelletier et Municipalité de Lac-Beauport, 2020 QCTAT 1824
https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat1824/2020qctat1824.pdf
Le Tribunal administratif du travail est saisi de deux plaintes de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail à la suite des congédiements de pompiers volontaires de la Municipalité de Lac-Beauport (ci-après « l’Employeur »), au motif que ceux-ci occupent un second emploi de pompier pour la Ville de Québec. L’employeur prétend, en se fondant sur l’article 4.3.5 de son règlement municipal qui interdit le double emploi, que les plaignants n’ont plus la capacité légale requise pour être pompiers au sein de la Municipalité, tandis que les plaignants allèguent avoir été congédiés sans cause juste et suffisante en contravention de leur droit à la vie privée protégé par la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après « la Charte ») et que cette atteinte ne peut se justifier au sens de l’article 9.1 de la Charte. D’entrée de jeu, l’Employeur soulève un moyen préliminaire invoquant l’absence de compétence du Tribunal de se prononcer sur la demande des plaignants qui « équivaut à une déclaration générale d’inconstitutionnalité, laquelle relève de la compétence exclusive de la Cour supérieure ». En ce sens, le Tribunal mentionne que les questions en litige sont les suivantes :
[11] Le Tribunal doit déterminer si l’application de l’article 4.3.5 du Règlement constitue une cause juste et suffisante de congédiement. Pour en décider, trois questions se posent :
1. Dans l’exercice de sa compétence sous l’égide de l’article 124 de la LNT, le Tribunal peut-il se prononcer sur la demande des Plaignants de déclarer inapplicable à leur égard l’article 4.3.5 du Règlement ?
2. Dans l’affirmative, le congédiement des Plaignants fondé sur la mise en application de l’article 4.3.5 du Règlement constitue-t-il une atteinte à leur droit à la vie privée ?
3. Dans l’affirmative, cette atteinte se justifie-t-elle suivant l’article 9.1 de la Charte ?
Le Tribunal répond par l’affirmative aux deux premières questions, mais par la négative à la dernière, ce qui lui permet d’accueillir les plaintes.
Concernant la première question, le Tribunal énonce d’abord que l’effet combiné de la LNT et de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail lui procure une compétence exclusive au regard des plaintes dont il est saisi. Puis, après avoir rappelé les enseignements de la Cour d’appel relatifs à son pouvoir de trancher une question constitutionnelle dans l’exercice de sa compétence, il conclut qu’en l’espèce, les plaignants ne cherchent pas à obtenir une déclaration générale d’inconstitutionnalité de l’article contesté, mais ils lui demandent de statuer que cet article contrevient à la Charte dans leur situation particulière, et ce, tout en se prononçant sur l’absence de cause juste et suffisante justifiant leur congédiement. Sur ce point, il conclut en ces termes :
[28] Ici, la justification invoquée par l’Employeur est codifiée dans un règlement qu’il a lui-même adopté en sa qualité de municipalité. Le fait qu’une exigence particulière pour le maintien en emploi soit ainsi codifiée ne limite ni ne fait perdre sa compétence au Tribunal ; il peut – et doit, à l’exclusion de tout autre tribunal – évaluer si le non-respect de cette exigence par un plaignant constitue une cause juste et suffisante de congédiement. S’il fallait conclure autrement, cela contraindrait tout salarié à l’emploi d’une municipalité, dans une situation comparable à celle des Plaignants, à devoir s’adresser à la Cour supérieure plutôt qu’au Tribunal en cas de congédiement. Ce n’est pas ce que le législateur a voulu lorsqu’il a confié une compétence exclusive au Tribunal pour disposer des plaintes déposées en vertu de l’article 124 de la LNT.
Ensuite, se fondant sur l’affaire Ville de Longueuil rendue par la Cour suprême du Canada, le Tribunal est d’avis que « le choix de carrière fait par les Plaignants constitue un choix intrinsèquement personnel qui relève de leur droit à la vie privée protégé par la Charte » et qu’« il en est de même de leur choix d’offrir leurs services comme pompiers au sein d’une municipalité ou d’une autre au Québec, voire de décider de travailler pour plus d’une municipalité à la fois afin de concrétiser leur volonté individuelle de faire carrière dans le domaine de la sécurité incendie. » En ce sens, le Tribunal conclut ainsi :
[48] La décision prise par la Municipalité d’inclure au Règlement un article interdisant le double emploi en tant que pompier, de par la conséquence qu’elle entraîne pour les Plaignants quant au libre choix de leur gagne-pain, porte donc atteinte à leur droit à la vie privée.
Ayant conclu ainsi, le Tribunal doit alors se prononcer sur la troisième question en litige. À cet égard, celui-ci rappelle les trois volets du test qui incombe à la municipalité pour démonter que cette atteinte est justifiée. En ce sens, bien qu’il conclue que l’objectif poursuivi par l’article contesté du Règlement de la Municipalité est légitime et important en ce qu’il avait été adopté afin d’assurer la disponibilité de ses pompiers lors de situations d’urgence civile sur son territoire, il conclut ensuite que l’interdiction du double emploi n’est pas rationnellement liée à cet objectif. Cela s’explique par le fait que cette interdiction fût adoptée sur la base de suppositions et non sur une analyse sérieuse des impacts du double emploi sur la disponibilité des pompiers à son emploi lors de la survenance d’une urgence civile. Il poursuit son analyse et conclut relativement au troisième volet ainsi :
[107] L’atteinte au droit à la vie privée des Plaignants n’est pas minimale, en ce que l’interdiction du double emploi crée une contrainte trop large ; mise en perspective avec des situations de mesures d’urgence qui ne se produisent que deux à trois fois par année, l’interdiction absolue imposée aux Plaignants d’occuper un second emploi de pompier dans une autre municipalité n’est pas la mesure qui soit la moins attentatoire à leur droit à la vie privée.
[108] La conclusion du Tribunal sur le troisième volet du test aurait pu être différente si des mesures moins attentatoires avaient été sérieusement évaluées par l’Employeur, par exemple l’opportunité d’exiger une disponibilité minimale de ses pompiers ou encore une augmentation de son effectif, aux fins de répondre à des situations de mesures d’urgence. Or, une telle évaluation sérieuse n’a pas été faite par lui ; force est donc de constater qu’il a échoué à démontrer que l’interdiction absolue d’occuper un second emploi de pompier dans une autre municipalité soit la mesure qui se traduit par une atteinte minimale au droit à la vie privée des Plaignants.
[109] Dans le contexte soumis à l’attention du Tribunal, une interdiction absolue apparaît donc hors de proportion avec l’objectif légitime et important poursuivi par l’Employeur.
Les plaintes sont accueillies.
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PARAMÉDICS
Rien à signaler.
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ARTISTES
Rien à signaler.
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SECTION DROIT CRIMINEL
GÉNÉRAL
Rien à signaler.
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