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Veille juridique du 29 mars 2022

SECTEUR DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

Coicou c. Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 (FTQ), 2021 QCTAT 5389

https://canlii.ca/t/jkfp3

La travailleuse est préposée aux bénéficiaires. Elle dépose une plainte en vertu de l’article 47.2 du Code du travail contre son syndicat. Elle prétend à une mauvaise représentation de celui-ci à la suite d’une diminution du nombre d’heures travaillées par semaine et l’imposition d’une mesure disciplinaire.

La diminution des heures de la travailleuse découle d’une démission volontaire d’un des deux postes occupés par celle-ci. N’ayant pas pris la mesure de la nouvelle entente intervenue entre le syndicat et l’employeur pour le rehaussement des postes, la travailleuse croyait pouvoir abandonner ce poste et obtenir des quarts sur appel en raison de son ancienneté. Or, la nouvelle structure a diminué considérablement le nombre de quarts octroyés sur appel. Ainsi, malgré la diminution réelle du nombre d’heures de la travailleuse, le syndicat ne pouvait déposer un grief puisqu’aucun comportement de l’employeur n’est en cause.

Quant à la mesure disciplinaire, il s’agit d’une suspension de dix (10) jours imposée le 28 janvier 2021. Elle ne demande pas l’intervention du syndicat avant la mi-mars. Considérant que les délais de griefs étaient dépassés, le syndicat avise la travailleuse qu’un grief est voué à l’échec et refuse d’entamer une procédure contestant la mesure disciplinaire. Le tribunal en arrive à la conclusion que le syndicat a respecté son devoir de juste représentation et rejette la plainte de la travailleuse.

 

 

Ingrid Watson c. Syndicat canadien de la fonction publique, 2022 CCRI 1002

https://canlii.ca/t/jmsvl

La plaignante dépose une plainte en vertu du Code canadien du travail relativement au devoir de représentation juste de son syndicat qui a refusé de déposer un grief à l’égard de la politique de vaccination obligatoire de l’employeur.

Le tribunal rappelle que le secteur aérien, de compétence fédérale, a été contraint par le gouvernement d’adopter une politique de vaccination obligatoire devant entrer en vigueur à l’automne 2021. Dès le mois d’août, le syndicat se questionne sur la légalité d’une politique de vaccination obligatoire et des effets sur les membres, dont l’imposition de mesures disciplinaires. Le syndicat obtient deux avis juridiques distincts. Toutes deux confirment qu’un grief contestant la politique de vaccination n’a que très peu de chances de succès. Sur la foi de ces opinions juridiques, le syndicat décide de ne pas contester la politique dans un grief de principe. Cependant, il prévoit déposer des griefs individuels dans les cas qui le justifient. Insatisfaite, la plaignante par l’intermédiaire de son avocat dépose une plainte au Conseil canadien des relations industrielles. Elle considère que la décision est arbitraire. Elle reproche notamment au syndicat d’avoir obtenu des avis juridiques déficients et ne répondant pas directement à la version finale de la politique de l’employeur.

Le tribunal refuse d’analyser à la loupe les avis juridiques obtenus par le syndicat. Il estime que la vaccination obligatoire dans le secteur aérien était connue depuis août 2021, ce qui permettait aux juristes d’établir des orientations juridiques sur cette question. Au surplus, il ne fait aucun doute pour le tribunal que la preuve scientifique est limpide à l’effet que la vaccination est le moyen le plus efficace pour combattre le virus.

[67] La plaignante et d’autres membres peuvent s’opposer à la vaccination, mais les données scientifiques montrent très clairement que la vaccination est l’outil le plus efficace pour mettre fin à cette situation mondiale sans précédent. Le syndicat a adopté une position qui va dans le sens de ces données. Une grande majorité des membres appuient la politique de vaccination, comme en témoigne le taux élevé de vaccination parmi les employés de l’unité de négociation. Il n’y a tout simplement pas de preuve qui permette d’affirmer que le syndicat a agi de mauvaise foi en adoptant une position qui soutient et favorise la vaccination de ses membres.

Ce faisant, le tribunal rejette la plainte de la travailleuse.

 

 

Réseau de transport de longueuil c Syndicat des employés d’entretien de la société de transport de la Rive-Sud de Montréal, 2022 CanLII 9465 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jmfc2

Dans cette affaire, le syndicat prétend que l’employeur ne respecter pas les dispositions d’une lettre d’entente relativement aux tâches octroyées aux membres de son unité. La lettre d’entente porte sur l’implantation du « système chrono ». Pour le syndicat, les tâches de diagnostic et de réparation de l’appareil « chrono » devaient revenir à ses membres selon l’entente intervenue. Or, ces tâches sont plutôt effectuées par des techniciens d’exploitation régie par un certificat d’accréditation distinct détenu par un second syndicat.

Celui-ci fait alors une demande d’intervention afin d’être reconnu comme partie intéressée au litige en ce que l’arbitre sera appelé à déterminer par quel syndicat les tâches en litige doivent être effectuées. L’employeur supporte la demande d’intervention, alors que le syndicat propriétaire du grief conteste sévèrement l’intervention d’un tiers.

L’arbitre se rapporte ainsi aux critères établis par la Cour d’appel afin de déterminer si un tiers se qualifie de partie intéressée. On rappelle qu’une intervention d’un tiers n’est possible que s’il démontre répondre aux trois critères cumulatifs suivants soit, l’intérêt juridique, le caractère exceptionnel et la nécessité.

Pour l’arbitre, le syndicat-tiers n’a pas l’intérêt juridique pour intervenir. Le grief découle de la relation bilatérale entre l’employeur et le syndicat CSN. L’entente intervenue entre les parties n’a pour effet que de régir les obligations entre ses deux entités. Bien que la décision arbitrale puisse avoir un effet indirect sur le syndicat-tiers, l’arbitre conclut qu’il n’a pas l’intérêt juridique en ce qu’il ne sera que l’écho des arguments de l’employeur.

 

 

Syndicat des fonctionnaires municipaux de Granby c. Granby (Ville), 2022 CanLII 12698 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jmn4b

Dans un contexte de pandémie, l’employeur impose une suspension de 10 jours au plaignant pour avoir intentionnellement touché à l’appui-bras et au tableau de bord du véhicule conduit par un collègue, après avoir éternué dans sa main. Le syndicat conteste par grief la sévérité de la sanction, invoquant un geste qui se voulait une blague entre collègues de travail.

D’abord, la faute est prouvée et reconnue par le plaignant. L’arbitre prend ensuite en considération que le salarié a déjà un antécédent disciplinaire, bien que la nature de l’antécédent soit de nature différente.

Le tribunal juge aussi que le salarié regrette son geste et qu’il n’a pas pris la mesure de ses actions dans un contexte de pandémie. Ainsi, aux yeux de l’arbitre, une suspension de dix (10) jours est disproportionnée pour atteindre un objectif de réhabilitation. Elle substitue une suspension de trois (3) jours.

 

 

Vachon c. Sani Bleu inc., 2022 QCCQ 440

https://canlii.ca/t/jmdxf

Dans cette affaire, un camionneur atteint de cécité à l’œil gauche quitte son emploi chez Sani-Bleu. Deux jours plus tard, il est embauché au sein de l’entreprise Distributions Roy. Moins de deux semaines après son embauche, il perd son emploi. Le salarié dépose une plainte à la CNESST alléguant avoir été congédié à la suite d’une lésion professionnelle. Cette instance démontre que Distributions Roy a plutôt congédié M. Vachon en raison de mauvaises références provenant de son ex-employeur, Sani-Bleu.

Lors d’un appel téléphonique, le représentant de Sani-Bleu informe Distributions Roy du handicap de M. Vachon et affirme qu’il ne peut recommander le travailleur pour un poste de camionneur. Lorsque le travailleur apprend cela au cours de l’audience, il dépose une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Au bout de quelques années, ils abandonnent le dossier. M. Vachon va donc entamer des procédures devant les tribunaux de droit commun pour atteinte à sa dignité et sa vie privée.

Sani-Bleu prétend que le recours de M. Vachon est prescrit. Il s’est écoulé plus de trois ans entre la connaissance du travailleur et le dépôt d’un recours à la Cour du Québec. La Cour rejette l’argument de la prescription au motif que les délais sont suspendus pour toute la période pendant laquelle la CDPDJ a traité la plainte de M. Vachon. Ainsi, le demandeur a respecté le délai de trois ans.

Sur le fond, la Cour s’inspire de l’arrêt récent de la Cour suprême dans Ward pour conclure qu’il n’y a pas d’atteinte à la dignité du demandeur. La référence négative découle de l’expérience de Sani-Bleu avec le demandeur et il pouvait communiquer son avis au nouvel employeur.

Or, en divulguant un handicap, Sani-Bleu porte atteinte à la vie privée de M. Vachon. Ce n’est pas le rôle d’un ancien employeur de communiquer ce type d’information.

[48] Or, la divulgation du handicap à Distributions Roy n’était ni nécessaire ni justifiée dans les circonstances. Si elle estimait que monsieur Vachon n’avait pas les aptitudes requises pour exercer le métier de camionneur, Sani Bleu pouvait exprimer son avis sans mentionner l’existence du handicap (en courant toutefois le risque d’attaquer la réputation de monsieur Vachon, droit protégé par l’article 4 de la Charte). Encore mieux, Sani Bleu pouvait tout simplement s’abstenir de commenter la prestation de travail de monsieur Vachon ou ses aptitudes à exercer le métier de camionneur.

Dans cette optique, la Cour du Québec condamne Sani-Bleu à la somme de 1 500$ à titre de dommages moraux pour atteinte à la vie privée du demandeur.

 

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Commissaire à la déontologie policière c. Duchesne, C-2020-5221-3, décision rendue le 21 mars 2022

Disponible ici.

Dans cette décision, le Commissaire à la déontologie policière reproche aux policiers cités d’être entrés sans droit dans la résidence du plaignant.

Dans cette affaire, les policiers cités répondaient à une demande d’un propriétaire étant inquiet pour la sécurité de son locataire, ce dernier n’ayant pas donné de nouvelles depuis 3 semaines et étant en retard dans le paiement de son loyer. Les policiers se présentent à la résidence, mais il est impossible pour eux de voir à l’intérieur, les rideaux étant tirés. Autour du logement, les policiers font plusieurs constats qu’ils jugent inquiétants : la boîte aux lettres du locataire déborde, et malgré la température fraîche et pluvieuse du mois d’octobre, les fenêtres sont ouvertes et l’air climatisé fonctionne à pleine capacité. Les quatre agents jugent nécessaire d’intervenir immédiatement et de faire une vérification de sécurité à l’intérieur du logement.

De l’avis du Comité, la conduite des agents, lorsqu’ils pénètrent sans mandat à l’intérieur du logement de M. Blanchet-Villeneuve, s’inscrit dans le cadre général d’un devoir de la loi et de la common law d’assurer la protection de la vie et de la sécurité des personnes. Certes, les agents ne répondent pas à un appel d’urgence au 911. Cela n’a aucune importance en l’espèce, car la naissance du devoir de protéger la vie et la sécurité n’y est aucunement subordonnée.

Considérant les renseignements obtenus sur place dans les minutes qui ont précédé leur intervention, les policiers, sachant que la vie et la sécurité d’une personne pouvait être en cause et à quel point, en pareil cas, les minutes qui s’écoulent peuvent être importantes, ont bien agi en effectuant une visite de sécurité.

Policiers acquittés des manquements allégués.

Félicitations à Me Mario Coderre pour cette belle victoire!

 

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.

 


 

ARTISTES

 

Rien à signaler.

 


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R. c. Samaniego, 2022 CSC 9

https://canlii.ca/t/jnb41

Dans cet arrêt, la Cour doit déterminer si le droit de l’appelant à un procès équitable a été violé lors du contre-interrogatoire du témoin principal de la Couronne par son avocate. Les faits sont les suivants. En août 2015, l’accusé et son coaccusé se sont rendus dans une boîte de nuit. Le gardien de sécurité a autorisé le coaccusé à entrer, puisqu’ils étaient de bons amis. Cependant, il a refusé l’accès à l’accusé parce que ce dernier l’avait menacé à une autre occasion à la boîte de nuit. Plus tard durant la soirée, les policiers ont été appelés relativement à la présence d’une arme à feu à cet endroit. Les policiers ont arrêté l’accusé et le coaccusé pour possession d’une arme à feu à autorisation restreinte chargée. En définitive, l’accusé a été déclaré coupable du chef d’accusation par un jury.

Au procès, le gardien de sécurité est cité comme témoin par la Couronne. Durant son contre‑interrogatoire mené par l’avocate de l’accusé et conçu pour miner sa crédibilité, la juge du procès a pris un grand nombre de décisions qui ont restreint les lignes d’interrogatoire. Le jury a déclaré l’accusé coupable. Ce dernier a fait appel de sa déclaration de culpabilité à la Cour d’appel. Il a prétendu que les décisions de la juge du procès étaient erronées. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont rejeté l’appel, concluant que les décisions étaient le fruit de l’exercice du pouvoir de gestion de l’instance de la juge du procès et n’étaient entachées d’aucune erreur.

La Cour suprême rejette le pourvoi. Elle revient d’abord sur la délimitation du pouvoir de gestion de l’instance qui permet à un juge de contrôler les audiences qui se déroulent devant lui et de garantir le bon fonctionnement des rouages de la cour. Ce pouvoir vise trois objectifs interreliés : l’équité, l’efficacité et l’efficience des procès. Le juge du procès peut intervenir de nombreuses façons pour gérer le déroulement du procès; il peut notamment restreindre un contre‑interrogatoire qui est indûment répétitif, sans queue ni tête, pointilleux, trompeur ou dépourvu de pertinence.

La Cour suprême juge en partie erronée l’un des décisions de la juge du procès, celle qui a limité les questions que l’avocate de l’accusé pouvait poser au gardien de sécurité à propos de l’identité de la personne qui avait laissé tomber l’arme à feu et de celle qui l’avait ramassée. Il s’agissait d’une décision relative à la gestion de l’instance, mais également d’une décision relative à la preuve. Bien que cette décision ait été partiellement erronée, l’erreur n’a causé aucun préjudice à l’accusé. L’avocate de ce dernier était toujours en mesure de contester la crédibilité du gardien de sécurité. En conséquence, les juges majoritaires concluent que l’accusé a subi un procès équitable et confirment la déclaration de culpabilité prononcée contre lui.

 

 

Sorella c. R., 2022 QCCA 383

https://canlii.ca/t/jn82x

Dans cet arrêt, l’appelante se pourvoit à l’encontre d’un verdict de culpabilité sous 2 chefs d’accusation de meurtre au second degré à l’égard de ses 2 filles. La thèse de la poursuite reposait sur une preuve circonstancielle fondée sur l’opportunité exclusive et la conduite postérieure de l’appelante. En appel, l’appelante plaide que la juge de première instance a erré en droit dans ses directives au jury en ce qui a trait à l’intention et à la possibilité d’entretenir un doute raisonnable en raison de l’absence de preuve, en plus de priver son avocat du droit de soumettre au jury l’argument voulant que les victimes puissent avoir été tuées par une ou des personnes liées aux activités criminelles de son conjoint. Elle soutient aussi que les verdicts sont déraisonnables, tant sur la culpabilité que sur la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.

La Cour d’appel accueille l’appel en raison de l’impossibilité qu’elle a eu d’invoquer la thèse de l’implication du crime organisé dans les meurtres. Les particularités de la preuve en l’espèce devaient mener la juge à permettre que cet argument soit présenté. Le lien entre le crime organisé et le conjoint de l’appelante, qui est le père des victimes, ainsi que la nature même du crime organisé suffisaient pour rendre vraisemblable l’argument invoqué par l’appelante. De plus, la juge a interdit au jury de conclure à l’implication du crime organisé. Cette directive a écarté la seule possibilité, pour le jury, d’entretenir un doute raisonnable quant au fait qu’un tiers aurait pu causer la mort des enfants.

Appel accueilli. Ordonnance de nouveau procès.