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Veille juridique du 5 avril 2022

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

 

Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Coop Lanaudière CSN c. Coop Novago, 2022 QCTAT 1324

https://canlii.ca/t/jn9sj

L’employeur, une coopérative agricole, et le syndicat sont liés par une convention collective, laquelle est échue depuis le 30 septembre 2019. Le 12 octobre 2021, le syndicat adopte et applique un mandat de grève générale illimitée dans les quatre établissements visés par son accréditation. Celui-ci demande l’intervention d’un enquêteur chargé de vérifier ses plaintes en vertu de l’article 109.4 du Code du travail, découlant de l’application des dispositions anti-briseurs de grève.

L’employeur prétend qu’il peut, en vertu de son droit de direction, utiliser les services d’une équipe de la comptabilité non syndiquée d’un autre établissement, non visé par l’accréditation, pour leur faire remplir à distance les fonctions des employés de l’unité de négociation en grève.

Suivant le sillon tracé par la décision Unifor, section locale 177 c. Groupe CRH Canada inc., 2021 QCTAT 5639 rendue en novembre dernier (voir notre résumé ici), le Tribunal administratif du travail (ci-après, le « TAT ») conclut que l’employeur ne peut, en ayant recours au télétravail, contourner les dispositions anti-briseurs de grève. Soulignant les changements provoqués dans le monde du travail par la crise liée à la pandémie de la COVID-19, le TAT refuse d’appliquer une interprétation stricte de la notion d’établissement qui aurait pour effet de permettre à l’employeur de « contourner » l’objectif des dispositions anti-briseurs de grève :

[77]      Une interprétation restrictive d’« établissement » visé par l’accréditation dans ce contexte, sans tenir compte de cette nouvelle réalité du télétravail à grande échelle, a pour effet de nier l’existence du droit de grève et celui du droit d’association par le fait même.

[78]      Depuis l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, ce droit de grève constitue un élément essentiel du droit d’association garanti par la Charte.  

[79]      L’objectif d’un règlement rapide du conflit de travail ne peut pas se réaliser si l’employeur fait à sa guise en employant ses employés non syndiqués comme il lui convient pour remplir le travail normalement effectué par les employés syndiqués de l’unité en grève.

La requête du syndicat est accueillie.

 

 

 

Pérodin c. Syndicat des employés d’entretien de la Société de transport de la Rive-Sud de Montréal (CSN), 2022 QCTAT 1321

https://canlii.ca/t/jn9sh

Le demandeur, un mécanicien de machines fixes, reproche à son syndicat d’avoir échoué à son devoir de juste représentation en ne donnant pas suite à ses demandes de déposer une « plainte » de harcèlement psychologique contre son contremaître.

Les faits sont les suivants. À compter de l’automne 2020, les relations entre le demandeur et son contremaître se détériorent. Le demandeur rapporte à son syndicat, des conduites qu’il estime être du harcèlement psychologique. Le syndicat n’enquête pas sur celles-ci, n’informe pas le demandeur de son recours possible en application de la Politique contre le harcèlement et la discrimination en milieu de travail de l’employeur, ni ne dépose de grief en application de la convention collective pour sauvegarder ses droits.

Dans ses motifs, le TAT rappelle que pour évaluer si la conduite syndicale enfreint son devoir de juste représentation, il faut considérer différents facteurs, comme l’importance du grief pour le salarié, les chances de succès du grief, les intérêts concurrents des autres salariés dans l’unité de négociation et les ressources du syndicat. En l’espèce, le demandeur a dénoncé certains agissements de son contremaître qu’il estime inacceptables à son délégué syndical ainsi qu’au vice-président. Dans les deux, ceux-ci lui conseillent de prendre des notes. Ils expliquent qu’il n’était pas question, à ce moment, de dépôt d’une plainte ou d’un grief de la part du plaignant.

Or, tel que le souligne le TAT, le demandeur leur a raconté subir des comportements dénigrants et humiliants répétés de la part du contremaître et lui a demandé d’agir pour que cela cesse :

[39]    (…) Une telle demande est suffisamment claire, dans les circonstances, pour alerter le syndicat qu’il doit enquêter dans la mesure où des incidents en apparence sérieux lui sont rapportés.

(…)

[41]      Le droit des salariés à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique est fondamental et commande au syndicat d’agir avec une grande prudence lorsqu’il est informé de possibles contraventions à ce sujet. La réclamation du demandeur à ce sujet est importante et impose une intensité plus grande au devoir de juste représentation du syndicat.

Le TAT conclut que le syndicat a, volontairement ou non, traité de manière superficielle ou inattentive la réclamation du demandeur d’agir pour faire cesser le harcèlement dont il se disait victime. La juge administrative refuse cependant la demande du salarié de condamner le syndicat à lui verser une compensation monétaire.

La plainte est accueillie en partie.

 

 

Matech B.T.A. Inc. c. Syndicat des métallos, Section Locale 7885, 2022 CanLII 21639 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jn9cq

Dans cette affaire, le syndicat réclame que les deux (2) jours pour obligations familiales payés prévus à la Loi sur les normes du travail (ci-après, la « LNT ») depuis 2019 soient payés, en sus des quatre (4) jours de congés mobiles prévus à leur convention collective. Le syndicat plaide le caractère public et, en conséquence, incontournable de la LNT imposant cette nouvelle obligation à l’employeur. Le cas d’espèce soumis à l’arbitre Me Claire Brassard est le suivant. Un salarié demande à l’employeur d’être payé lors d’une absence pour se rendre au chevet de son épouse hospitalisée. Ce dernier refuse au motif que ses congés mobiles sont épuisés.

Le Tribunal d’arbitrage doit déterminer si la convention collective est égale ou supérieure à la norme prévue au 5ièmeparagraphe de l’article 79.7 LNT. L’arbitre précise que pour ce faire, il convient de déterminer si les congés mobiles existants sont de même nature et visent le même objet que ceux de la LNT. En l’espèce, la preuve a démontré que les congés prévus par la convention collective le sont pour toutes sortes de motifs et qu’on ne peut les caractériser comme étant des congés pour obligations familiales.

L’employeur plaide que les congés mobiles rémunérés existants couvrent les congés pour obligations familiales et que d’ajouter des journées de congé constituerait un excès de compétence juridictionnelle de la part de l’arbitre. Le Tribunal d’arbitre rejette cette prétention : il a bel et bien le pouvoir d’ordonner que l’employeur se conforme à la Loi. L’arbitre conclut que le texte actuel de la convention collective ne rencontre pas les exigences de la LNT. Suivant l’ordre hiérarchique des sources de droit, la Loi a préséance sur la convention collective qui est un contrat privé.

L’arbitre accueille donc le grief.

 

 

Desgroseilliers et (PP RTF) Johanne Desgroseilliers, 2022 QCTAT 1329

https://canlii.ca/t/jn9rl

La travailleuse, qui occupe un emploi de responsable de ressource familiale depuis plusieurs années, conteste le refus de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) de lui reconnaître une lésion professionnelle. La travailleuse s’occupe de sept adultes ayant une déficience intellectuelle et des troubles du comportement.

Dans sa réclamation, elle explique que son travail est devenu très difficile en raison d’une problématique de transport adapté. Lors de l’audience, elle précise qu’en plus de cette situation, elle a eu des conflits avec les responsables de sa ressource et que son conjoint, qui gérait la ressource avec elle, est tombé malade, ce qui lui a occasionné un surplus de travail. Elle allègue que l’accumulation de tous ces stresseurs l’a amenée à consulter et à cesser de travailler en date du 30 novembre 2018. Son médecin a posé un diagnostic de trouble d’adaptation anxiodépressif sévère. Un diagnostic de dépression majeure avec anxiété s’est par la suite ajouté.

Dans ses motifs, le TAT rappelle d’abord qu’en matière de lésion psychique, le fardeau de preuve est le même en matière de lésions physiques, bien qu’il y ait certaines difficultés bien réelles reliées au caractère subjectif et multifactoriel de ce type de lésion. Par la suite, le TAT souligne que pour conclure à un accident du travail, il faut montrer la survenance d’un événement ou une série d’événements imprévus et soudains et l’existence d’une relation entre la lésion d’ordre psychologique et les événements en cause.

Le TAT est d’avis que la travailleuse a bel et bien été exposée à une surcharge de travail dans la période concomitante à la survenance de sa lésion professionnelle. Cette dernière a été confrontée à une série de stresseurs : ses conflits avec la responsable de sa ressource, la surcharge de travail causée par la maladie de son conjoint et les problèmes avec le transport adapté et la lourdeur de la clientèle. L’accumulation de ses stresseurs déborde du cadre normal du travail. De plus, selon le TAT, la preuve permet d’établir que le surmenage est la cause du trouble anxiodépressif et de la dépression avec anxiété qu’on a diagnostiqués à la travailleuse.

La réclamation est accueillie.

 

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Fraternité des policiers et policières de la Ville de Montréal c. Service de Police de la Ville de Montréal, 2022 CanLII 22224 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jnbjf

Dans cette affaire, l’employeur reproche à un policier d’avoir contrevenu à l’article 4.4. du Règlement sur la discipline, c’est-à-dire d’avoir fait preuve de négligence, d’insouciance ou d’incorrection dans l’accomplissement du travail. Le policier a reconnu les faits et une suspension d’un jour sans solde lui a été imposée. Par grief, le syndicat conteste l’omission de l’employeur d’exécuter la sanction disciplinaire dans un délai raisonnable. L’employeur prétend que le grief a été déposé en dehors du délai de trois mois prévus à la convention collective et est donc prescrit.

Selon l’arbitre, afin d’établir le point de départ du délai de prescription, il faut déterminer quel est l’événement qui a donné naissance au grief ou la date de la connaissance de cet événement par le policier. En l’espèce, la cause d’action réside dans le défaut de l’employeur de faire purger une journée de suspension au plaignant, et ce, près de 22 mois après que ce dernier ait reconnu sa faute. Ce dont se plaint le syndicat, c’est le délai d’exécution de la sanction, et non la décision de suspendre le policier.

De plus, analysant la preuve, l’arbitre confirme la prétention du syndicat selon laquelle la situation répond à la définition d’un grief continu. Dans ce dossier, une décision de ne rien faire fut prise par l’employeur. Les effets de cette décision se perpétuent dans le temps et sont susceptibles de léser le policier. Le grief n’est donc pas prescrit.

La demande de rejet de l’employeur est rejetée.

 

 


 

 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.

 

 


 

 

POMPIERS ET POMPIÈRES

Rien à signaler.

 

 


 

ARTISTES

 

Société des auteurs de radio, télévision et cinéma c. Max Films inc. et als, 2022 CanLII 21192 (QC SAT)

https://canlii.ca/t/jn8hs

Dans cette affaire, un auteur s’engage, en 2002, avec le producteur à lui livrer une œuvre cinématographique commercialisée sous le titre « La Grande séduction ». Le contrat d’écriture est régi par l’entente collective alors en vigueur entre la Société des auteurs, recherchistes, documentalistes et compositeurs (la SARDeC, désormais, la SARTEC) et l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (l’APFTQ) (ci-après, « l’entente collective »).

En 2020, l’auteur désire autoriser un autre producteur à utiliser le titre de l’œuvre pour une pièce de théâtre, mais le producteur s’y oppose, expliquant que cela contreviendrait au contrat intervenu entre eux. L’Annexe du contrat accorde au producteur des droits additionnels que lui consent l’auteur, notamment : l’utilisation et l’exploitation, à titre de marque déposée, du titre de l’œuvre cinématographique donné par l’auteur.

Rejetant d’abord deux arguments préliminaires du producteur, le tribunal d’arbitrage se penche sur le fond du litige. Dans ses motifs, il rappelle que l’entente collective, tout comme la Loi sur le droit d’auteur, prévoit que l’auteur est le premier titulaire du droit d’auteur sur son œuvre.   L’entente collective prévoit cependant que l’auteur peut choisir de céder un droit d’auteur ou le concéder par licence à une autre personne. En l’espèce, il n’est pas contesté que l’auteur a consenti au producteur, par la conclusion du contrat de 2002, « une licence exclusive d’exploitation de l’œuvre cinématographique tirée du scénario jusqu’à la fin de la trentième année suivant la livraison de la copie zéro (…) ». La SARTEC plaide cependant que le droit d’utiliser et d’exploiter le titre « La Grande séduction » ne vaut que « dans le cadre de l’exploitation de l’œuvre cinématographique ».

Le tribunal d’arbitrage rejette cette prétention. L’arbitre interprète la portée du droit conféré au producteur par l’Annexe du contrat et en vient à la conclusion que l’auteur a accordé une licence pour l’utilisation du titre « La Grande séduction » qui ne se limite pas à l’œuvre cinématographique tirée du scénario dont il est l’auteur. Notamment, l’arbitre souligne que l’utilisation de l’expression « à titre de marque déposée » indique clairement que les parties reconnaissaient que le titre avait en soi une qualité et une valeur distincte du scénario et du film qui en est une adaptation.

Selon le tribunal, la SARTEC n’a pas fait la démonstration que l’auteur est encore aujourd’hui titulaire du titre « La Grande séduction ». Le grief est rejeté.

 

 


 

 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRAL

R.T. c. R., 2022 QCCA 414

https://courdappelduquebec.ca/jugements/details/rt-c-r/

L’appelant se pourvoit à l’encontre d’une déclaration de culpabilité relative à un chef d’accusation d’agression sexuelle. L’appelant est d’origine chinoise et parle peu français. L’appelant reproche au juge du procès d’avoir admis la déclaration donnée lors de l’interrogatoire à la suite de son arrestation puisqu’elle a été obtenue en contravention de son droit fondamental prévu à l’article 14 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il soutient également que le juge aurait erré en refusant d’ajourner le procès après avoir accepté que son avocat se retire du dossier.

Selon la Cour, l’article 14 de la Charte ne s’applique pas à l’enquête policière. Le droit à un interprète ne naît qu’au moment où la personne devient une partie à une instance, ce qui couvre évidemment le procès, mais exclut les étapes préalables à la comparution. Par ailleurs, le juge a conclu qu’aucune preuve n’a été faite d’une connivence entre l’interprète et les policiers dans le but de piéger l’appelant. Quant au refus du juge d’accorder l’ajournement à l’appelant, la Cour estime que le juge ne pouvait opposer le droit constitutionnel d’être représenté par avocat et la gestion efficace d’un dossier. Le juge avait conclu que la demande de l’appelant n’était pas un moyen détourné de retarder son procès. Par conséquent, cette remise nécessaire à la constitution d’un nouvel avocat était entièrement imputable à l’accusé et l’ajournement ne posait aucun problème puisque le délai additionnel raisonnable lui aurait été attribué. Cependant, les trois jours durant lesquels l’appelant n’a pas été assisté d’un avocat ont été consacrés uniquement à l’écoute de l’enregistrement vidéo de l’interrogatoire policier et aux corrections apportées à la traduction de l’interrogatoire. En l’espèce, le juge du procès a fait en sorte que son refus de reporter ce visionnement ne priverait pas l’appelant de son droit à une défense pleine et entière et à un procès équitable. De plus, l’appelant n’a pas démontré en quoi l’absence de son nouvel avocat lui a été préjudiciable pour le visionnement. Le juge n’a donc pas erré en soulignant qu’il pouvait lui-même tenter de contredire l’interprète sur la base de sa propre connaissance de la langue.

L’appel est rejeté.