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Veille juridique du 6 juillet 2021

 

SECTION DROIT DU TRAVAIL

GÉNÉRAL

 

Avocats et notaires de l’État québécois c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 979

https://canlii.ca/t/jgf9c

L’appelante, les avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ), se pourvoit contre un jugement rendu le 20 février 2020 par la Cour supérieure, district de Montréal, qui rejette son pourvoi en contrôle judiciaire d’une sentence arbitrale rendue par l’arbitre de grief Me Jean-Yves Brière. Ce dernier a rejeté le grief déposé par Me André Gauvin (Gauvin), membre de LANEQ, contre le ministère de la Justice (l’employeur), représenté par le Procureur général du Québec (PGQ).

Les faits sont les suivants. Lors de la grève des avocats de l’État qui s’est déroulé du 24 octobre 2016 au 28 février 2017, l’employeur verse du salaire en trop à Gauvin, en raison de la programmation de son service de paie. Le litige porte essentiellement sur la prescription du droit de récupérer le salaire en trop en vertu de l’article 71 du Code du travail (C.T.). Plus précisément, il s’agit de déterminer si l’avis de consultation de l’employeur daté du 18 avril 2017 et transmis aux membres de LANEQ le 21 août 2017, en vertu de l’article 290 de la Convention collective des avocats et notaires de l’État 2010-2015 (la Convention) e eu pour effet d’interrompre le délai de prescription prévu à l’article 71 C.T.

L’arbitre, dans sa sentence arbitrale, conclut que le délai de six (6) mois prévu à l’article 71 C.t. s’applique et que le point de départ de celui-ci est le 10 novembre 2016. Il affirme que la réclamation de l’Employeur les exigences de l’article 290 de la Convention par l’envoi d’un avis de consultation le 18 avril 2017. Il détermine que cette réclamation n’est pas prescrite et que l’avis de consultation a interrompu la prescription.

La Cour supérieure confirme cette sentence arbitrale. Elle note que l’arbitre n’a pas introduit un concept nouveau par le fait de reconnaître que le délai de prescription de six (6) mois prévu à l’article 71 C.t. a été interrompu par l’avis de réclamation, même en l’absence du dépôt d’un grief par l’Employeur.

L’appelante plaide que le juge a erré en concluant que l’arbitre n’a pas rendu une décision déraisonnable à la lumière de la jurisprudence arbitrale. Selon elle, seule la consultation combinée à la récupération du salaire constitue un exercice valable du droit prévu à l’article 290 de la Convention pour interrompre naturellement la prescription. Elle plaide que le délai de prescription de six (6) mois prévu à l’article 71 C.t. se calcule à partir du moment de la naissance de la cause d’action et que seul le recours à la procédure de grief peut interrompre légalement ce délai.

La Cour d’appel souligne d’abord que la jurisprudence arbitrale soulevée par l’appelante pour soutenir que l’arbitre s’écarte des contraintes juridiques applicables tend à confirmer le raisonnement de celui-ci plutôt que le contraire. Selon elle, la procédure prévue par la convention collective en vue de la récupération des sommes versées en trop est déclenchée par l’avis de consultation. Cet avis interrompt la prescription comme le ferait le dépôt du grief.

Selon la Cour, l’arbitre motive sa décision de manière intelligible et cohérente et il adapte sa justification aux arguments mis de l’avant par l’appelante en distinguant les autorités invoquées par celle-ci. Ni le libellé de 71 C.t. ni la jurisprudence judiciaire et arbitrale ne constituent des contraintes qui l’empêchent de justifier raisonnablement qu’il y a eu interruption de la prescription par la transmission de l’avis de consultation.

L’appelante ne démontre pas que le juge a mal appliqué la norme de la raisonnabilité en concluant que la sentence arbitrale était raisonnable et en rejetant le pourvoi en contrôle judiciaire.

L’appel est rejeté.

 

 

(Ville de) c. Tribunal administratif du Québec et G.T., 29 juin 2021, C.S. (j. Jocelyn Pilote)

Disponible sur demande

La demanderesse présente une demande de pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue par le Tribunal administratif du travail le 6 mai 2020. Elle invoque un manquement aux règles de justice naturelle.

Les faits sont les suivants. Une policière se blesse à l’épaule droite alors qu’elle remplit ses fonctions. Elle présente une réclamation à la Commission des normes, de l’équité et de la santé du travail (la Commission), qui la refuse. Elle conteste la demande et, le 6 juin 2019, un juge administratif entend le dossier.

À l’audience, la carte d’appel à l’origine de l’intervention de la policière auprès d’une personne en détresse psychologique est déposée sans être caviardée. Elle sera caviardée par la suite par le juge, à la demande des avocats. Le juge accueille la réclamation de la policière et conclut qu’elle a subi une lésion professionnelle ayant aggravé une condition personnelle de tendinopathie de la coiffe des rotateurs droite. Or, il s’avère que la personne en détresse psychologique est l’enfant du juge chargé d’entendre l’affaire.

La demanderesse revendique dans un premier temps le droit que l’affaire soit jugée par un tribunal impartial et indépendant, alléguant une crainte raisonnable de partialité en raison du lien de parenté au premier degré entre le juge et la personne en détresse. Dans un deuxième temps, elle reproche au juge un manquement à la règle audi alteram partem, en raison du refus de ce dernier de permettre à la demanderesse de présenter une contre-preuve quant au contexte d’urgence pouvant prévaloir lorsque la policière a été appelée à intervenir.

La Cour supérieure conclut d’abord « qu’en cas de violation alléguée aux règles de justice naturelle, il ne doit pas faire preuve de déférence envers la décision attaquée et doit simplement vérifier si telles règles de justice naturelle ont été respectées, à défaut de quoi il doit annuler la décision rendue » (par. 25).

Selon la Cour, le lien de parenté entre le juge et la personne en détresse n’entraîne pas, de ce seul fait, un manquement aux règles de justice naturelle, puisque dans cette affaire, l’enfant en question n’avait pas d’intérêt personnel dans la cause. Cependant, étant donné les circonstances particulières du dossier, le refus du juge de permettre à la demanderesse de présenter une contre-preuve sur le contexte d’urgence dans lequel se déroulait l’intervention fait naître une apparence raisonnable de partialité.

La Cour conclut que la demanderesse a établi un manquement aux règles de justice naturelle. Elle décide qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur le second motif de reproche, soit le manquement allégué à la règle audi alteram partem.

La demande de pourvoi en contrôle judiciaire est accueillie et le dossier est retourné au Tribunal administratif du travail afin que celui-ci soit jugé par un juge administratif d’une autre région que celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

 


 

POLICIERS ET POLICIÈRES

 

Cadotte c. Ville de Mont-Tremblant, 29 juin 2021, T.A.T (j. François Demers)

Disponible sur demande

Monsieur Éric Cadotte dépose une plainte contre son employeur en vertu de l’article 15 du Code du travail (le Code), car il estime avoir été l’objet de représailles en raison de l’exercice de ses activités syndicales. Il plaide qu’on lui a retiré sa fonction de porte-parole du Service de police de la Ville (le Service) parce qu’il a donné une entrevue à un journal local à titre de secrétaire de la Fraternité.

C’est dans le contexte suivant que monsieur Cadotte a donné cette entrevue. En décembre 2019, la Ville adopte une résolution pour demander la dissolution de son service de police et son remplacement par une couverture assurée par la Sureté du Québec. Le 2 juillet 2020, le journal local publie un article dans lequel monsieur Cadotte, s’exprimant à titre de secrétaire de la Fraternité, établit un lien entre le conflit de travail qui perdure depuis au moins 2018 et le désir de la Ville d’abolir son service de police. Le 20 juillet 2021, alors qu’il est en vacances, monsieur Cadotte reçoit une lettre du directeur du Service qui l’informe notamment qu’il ne sera désormais plus autorisé à agir à titre de porte-parole du Service.

Dans les motifs de sa décision, le Tribunal rappelle d’abord le droit applicable. Le Code crée une présomption en faveur du salarié dès lors que celui-ci exerce des droits qui y sont prévus de façon concomitante avec l’imposition d’une sanction ou d’une mesure.  Il appartient alors à l’employeur de démontrer l’existence d’une autre cause sérieuse qui est la véritable raison de la mesure imposée et qui n’est pas un prétexte.

La Ville plaide qu’elle a simplement pris la décision de restructurer ses communications externes. Alors qu’auparavant chaque service pouvait s’adresser aux médias, la nouvelle approche centralise toutes ces démarches au service des communications.

Or, le Tribunal constate que « la preuve offerte par la Ville n’est guère convaincante quant à l’existence même de ce qu’elle décrit comme un changement de politique » (par. 26). Ainsi, les faiblesses de la preuve permettent au Tribunal de conclure que le changement allégué n’est pas la cause du retrait de la tâche de porte-parole de monsieur Cadotte.

Le raisonnement du Tribunal ne s’arrête pas là. En effet, selon le Tribunal, le changement de politique allégué n’est en fait qu’un prétexte pour camoufler la véritable cause de la mesure. Le juge François Demers conclut que la lettre du 20 juillet et le changement dans les tâches de monsieur Cadotte qu’elle implique constituent des représailles à cause de l’exercice par ce salarié d’un droit qui lui résulte du Code.

La plainte est accueillie. Le Tribunal annule la mesure et ordonne à la Ville de cesser d’exercer contre monsieur Cadotte des mesures de représailles en raison de ses activités de porte-parole de la Fraternité.

Bravo à Me Andrew Charbonneau pour son travail dans le présent dossier!

 

 

Corbeil et Ville de Longueuil – Service de police, 25 juin 2021, T.A.T. (j. Francine Charbonneau)

Disponible sur demande

La travailleuse conteste une décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (la Commission) rendue le 10 août 2020 à la suite d’une révision administrative. Par cette décision, elle confirme que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 8 avril 2020, soit une entorse cervicale avec spasme, et qu’elle n’a donc pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LAMTP).

La travailleuse est sergente détective et travaille à la maison depuis le 24 mars 2020 avec son ordinateur personnel. Elle effectue plus de travail de bureau et d’ordinateur qu’avant la pandémie à raison de 75% de son temps de travail. Elle ne possède pas d’équipement de travail adéquat. Elle s’est blessée en rédigeant un volumineux rapport d’enquête à son ordinateur et en colligeant des informations téléphoniques à son sujet. Elle a maintenu son téléphone cellulaire contre son cou pour pouvoir recueillir des informations et les transcrire à l’ordinateur.

Elle commence à ressentir de la douleur le 8 avril un peu avant le dîner. Elle finit sa journée de travail à 16h00, fait son souper et ses activités, prend des antidouleurs et se couche tôt. Le lendemain, elle ressent une douleur intense au bas du cou et il est extrêmement difficile de se tourner la tête.

Pour obtenir les prestations qu’elle réclame, la travailleuse doit établir qu’elle a subi une lésion professionnelle par le fait ou à l’occasion du travail. Le législateur a édicté une présomption, celle de l’article 28 de la LATMP afin de faciliter cette preuve. Il faut : 1) une blessure, 2) qui arrive sur les lieux du travail, 3) alors que la travailleuse est à son travail.

D’abord, le Tribunal est lié par le diagnostic du médecin, lequel a diagnostiqué une entorse cervicale avec spasme. Il conclut que l’entorse répond à la notion de blessure prévue à l’article 28 LATMP. Ensuite, le Tribunal est d’avis que le deuxième critère est également rempli : en raison de la crise sanitaire de la Covid-19, l’employeur assigne la travailleuse à la maison pour effectuer ses tâches. La blessure est donc survenue sur les lieux du travail.

Le Tribunal conclut que la présomption s’applique au cas de la travailleuse. Selon la preuve non contredite, la travailleuse a terminé le 8 avril 2020 sa journée de travail, malgré la douleur qui n’était pas incapacitante. Cette douleur est devenue incapacitante le lendemain et elle a manqué quelques heures de travail le 9 avril 2020. Elle a consulté un médecin le jour même de son arrêt de travail et remis un certificat médical à son employeur. Elle a présenté une version constante et cohérente de l’événement à l’employeur, à la Commission, à l’instance de révision et au Tribunal. L’employeur a choisi de ne pas se présenter à l’audience.

Le médecin-conseil de la Commission questionne la causalité entre la lésion diagnostiquée et les circonstances de son apparition. Or, il n’est pas en mesure de formaliser une opinion n’ayant pas examiné madame ni visionné son poste de travail à la maison. Le Tribunal ne peut retenir que l’opinion du médecin expert écarte l’application de la présomption de l’article 28 de la Loi.

Le recours est accueilli et la décision contestée infirmée.

Bravo à Me Andrew Charbonneau pour son travail dans le présent dossier!

 

 

Fraternité des policiers de Mascouche inc. et Ville de Mascouche (grief collectif), 2021 QCTA 291 (Mario Létourneau)

https://soquij.qc.ca/portail/recherchejuridique/ConsulterExtExpress/6DE56CBCF440B5FBFB5C31B10B1DDFC3?source=EXPTRAV

Il s’agissait dans ce dossier de déterminer si la convention collective accorde des avantages égaux ou plus généreux que ceux prévus à la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) en matière de congé pour obligations familiales. Rappelons que depuis le premier janvier 2019, l’article 79.7 de la L.N.T a été modifié pour prévoir que les deux premières journées d’absence prises à même les 10 journées prévues par année « pour remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou en raison de l’état de santé d’un parent ou d’une personne pour laquelle le salarié agit comme proche aidant », doivent être rémunérées par l’employeur dès que l’employé se prévalant de ce droit justifie de trois mois de service continu.

En l’espèce, l’article 10 de la convention prévoit le versement annuel automatique, à chaque policier, d’une compensation financière équivalant à 81 heures de salaire pour compenser les heures de maladie. Tous les policiers reçoivent cette compensation, peu importe le nombre d’heures d’absence pour maladie effectivement utilisées. Les policiers surnuméraires ne bénéficient pas de ces dispositions. L’employeur soutient que cette banque suffit pour qu’il se conforme aux normes minimales.

Selon l’arbitre Mario Létourneau, la convention donne droit à un bénéfice précis, à des personnes bien déterminées, s’appliquant dans des circonstances particulières, obéissant à des modalités d’application spécifiques et dont l’exercice peut faire l’objet d’un contrôle approprié. Il en va de même pour ce qui est des articles 79.1, 79.6.1, 79.7 et 79.16 L.N.T. Ces textes sont complètement différents, surtout si l’on tient compte de l’énumération des circonstances précises dans lesquelles les divers bénéfices peuvent être accordés. Il n’y a rien de prévu à la convention collective en ce qui concerne les absences pour obligations familiales. En appliquant « la théorie des vases communicants », c’est-à-dire en se servant de l’article 10 de la convention pour prétendre donner aux policiers les droits prévus à l’article 79.7 L.N.T., l’employeur modifie la convention et en détourne le sens. À cet égard, le Tribunal se range au courant jurisprudentiel arbitral minoritaire qu’il a dû analyser dans cette affaire.

 


 

TRAVAILLEURS(EUSES) DU PRÉHOSPITALIER

 

Rien à signaler.


 

POMPIERS ET POMPIÈRES

 

Rien à signaler.


 

ARTISTES

 

Rien à signaler.


 

SECTION DROIT CRIMINEL

GÉNÉRALE

 

Baptiste c. R., 2021 QCCA 1064

https://www.canlii.org/en/qc/qcca/doc/2021/2021qcca1064/2021qcca1064.html 

Dans cet arrêt, l’appelant se pourvoit à l’encontre d’une décision rendue par le juge Dennis Galiatsatos de la Cour du Québec, qui refuse d’entériner la suggestion commune de 16 mois de détention et qui détermine la peine à imposer à 31 mois.

L’appelant avait plaidé coupable à une infraction de possession d’une arme à feu prohibée ainsi que de cartouches d’armes à feu. Conjointement avec le ministère public, il avait suggéré une peine de 16 mois d’emprisonnement au juge de la Cour du Québec, en faisant valoir notamment sa situation familiale, des antécédents lointains et sa coopération lors de l’exécution du mandat de perquisition.

La Cour d’appel affirme que le juge a eu tort de ne pas entériner la suggestion commune en se fondant sur des affirmations trouvées sur internet, notamment en ce qui a trait au fléau des armes à feu qui sévit à Montréal. En effet, la Cour est d’avis que le juge de la Cour du Québec n’a pas laissé aux parties le soin de présenter des arguments afin d’adresser cette situation, ce qui constitue une erreur révisable. De plus, rien ne permettait au juge de s’écarter des principes établis dans l’arrêt Anthony-Cooke afin d’imposer une sentence de près du double de mois d’emprisonnement de ce qui lui était suggéré au départ.

L’appel est accueilli. La suggestion commune de 16 mois de détention est rétablie.