Merci de vous inscrire à notre infolettre.
Infolettre
Si vous souhaitez recevoir de nos nouvelles, il suffit d’entrer votre adresse courriel dans la boîte ci-contre.
Veuillez remplir les champs correctement.

Victoire du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes représenté par Me Gaston Nadeau

Société canadienne des postes c. Bergeron et Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2018 QCCS 328
https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2018/2018qccs328/2018qccs328.html?autocompleteStr=2018%20QCCS%20328&autocompletePos=1

En rejetant la demande de contrôle judiciaire entreprise par l’employeur, la Cour Supérieure confirme une décision arbitrale portant sur l’obligation de l’employeur de respecter les droits acquis des employés même pendant une période de grève ou de lockout.

.

Les faits

Dans le cadre des négociations pour le renouvellement de la convention collective les parties acquièrent le droit de grève et de lockout à la fin mai 2011. Le Syndicat annonce des grèves tournantes et l’employeur décide alors de cesser d’appliquer la convention collective expirée et de modifier plusieurs des conditions de travail qu’elle contenait. De plus l’employeur annule toutes les vacances annuelles qui devaient être prises au cours des semaines suivantes et différents congés déjà prévus  (mariage, naissance etc.). Il met fin au paiement des congés de maladie en cours et prend d’autres mesures semblables. Finalement après deux semaines de grèves tournantes, l’employeur décrète un lockout général.

Une loi spéciale de retour au travail met fin à tous ces moyens de pression et remet rétroactivement en vigueur la convention collective qui avait cessé de s’appliquer avec l’arrivée du droit de grève et de lockout.

Devant le refus de l’employeur de rétablir rétroactivement les conditions de travail prévues à la convention collective et devant sa décision d’annuler des vacances et congés déjà prévus, le Syndicat dépose un grief.

Au soutien de son grief il invoque les effets de la loi de retour au travail et la notion des « droits acquis ». Il réclame l’application intégrale de la convention collective pendant la période de conflit tout en reconnaissant que les employés ne peuvent réclamer de salaire pour les journées où ils furent en grève ou en lockout. Il réclame de plus une indemnité de 50$ par jour pour chaque jour de vacance ou de congé qui fut annulé par l’employeur. Sur ces questions, le Syndicat offre une preuve générale sur le préjudice subi par les employés et demande à l’arbitre d’accorder cette indemnité à  tous les employés concernés sans qu’il soit nécessaire de faire la preuve du préjudice subi individuellement par chacun d’eux, étant donné que des milliers d’employés sont concernés à travers le pays et qu’il serait physiquement impossible de traiter chaque cas individuellement.

.

La décision de l’arbitre

L’arbitre accueille le grief  et donne raison au Syndicat sur la plupart des enjeux soulevés.

Ainsi, il décide que la loi de retour au travail est claire et qu’en remettant la convention collective rétroactivement en vigueur, elle oblige l’employeur à la respecter intégralement sauf si cela devait mener à des situations absurdes. En somme, le législateur peut rendre une convention collective applicable pendant une grève ou un lockout.

Pour déterminer comment concrètement la convention collective pourra s’appliquer, il faut évidemment examiner chacune de ses dispositions et les interpréter en fonction de la situation de grève ou de lockout. Par exemple, même si la convention collective s’applique l’employé qui était en grève ne peut réclamer de salaire puisqu’il n’a pas travaillé. Il en est de même pour l’employé en lockout puisque le lockout était légal.  Tout problème d’application qui en résulte doit être tranché par un arbitre si nécessaire.

Même si l’employeur avait le droit de modifier les conditions de travail au moment où il l’a fait, la loi de retour au travail a eu pour effet d’annuler ces modifications et de rétablir les conditions de travail qui étaient prévues à la convention collective.

L’arbitre accueille aussi les prétentions du Syndicat en ce qui concerne les droits acquis. Même lorsque la convention collective a cessé de s’appliquer et qu’une grève ou un lockout est en cours, l’employeur ne peut annuler des vacances ou des congés  accordés pendant que la convention collective était en vigueur mais devant être pris après l’expiration de celle-ci.

L’arbitre accorde par ailleurs une indemnité de 50$ pour chaque journée de vacances ou de congé  illégalement annulée par l’employeur. L’indemnité est accordée même si une preuve de dommages n’a pas été faite dans chaque cas.

S’inspirant des méthodes adoptées en matière de recours collectifs, l’arbitre accorde une indemnité nominale à tous les employés lésés par les décisions de l’employeur. Cette méthode est parfois appelée « justice approximative ».

.

Le jugement de la Cour Supérieure

La Cour Supérieure ne retient aucun des nombreux motifs invoqués par l’employeur pour contester la sentence arbitrale et rejette la demande de contrôle judiciaire. Elle estime que l’interprétation que donne l’arbitre de la loi de retour au travail est correcte.

Elle conclut par ailleurs que tous les autres aspects de la sentence arbitrale sont raisonnables et conformes à la jurisprudence et notamment les décisions de l’arbitre sur les droits acquis.