Congédiement : cohabitation de motifs antisyndicaux et disciplinaires

22 octobre 2025

Dans la décision 9465812 Canada limitée c. Tribunal administratif du travail, 2025 QCCS 3222, (j.c.s. Éric Dufour), la Cour supérieure est saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire concernant une décision du Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT » ou « Tribunal ») qui avait conclu que le congédiement du plaignant était motivé par ses activités syndicales.

Un vendeur dans une concession automobile a été congédié en mars 2017 à la suite d’allégations de harcèlement sexuel envers une collègue. Le vendeur a alors déposé une plainte en vertu de l’article 15 du Code du travail, alléguant que son congédiement était lié à ses activités syndicales. Il exerçait le rôle de président du syndicat nouvellement accrédité. Deux décisions du TAT ont alors été rendues. La première (TAT1) rejetait la plainte du vendeur, puisque le Tribunal concluait que le congédiement reposait sur une autre cause juste et suffisante : les gestes d’harcèlement sexuel. La deuxième (TAT2) conclut à l’inverse que le congédiement était un prétexte pour sanctionner les activités syndicales en retenant contre l’employeur la vitesse avec laquelle il avait mené son enquête.

La Cour doit donc répondre aux questions suivantes : 1) TAT2 substitue-t-il son jugement à celui de l’employeur quant à la survenance de harcèlement sexuel? 2) TAT2 omet-il de tenir compte des contraintes juridiques et factuelles importantes qu’allègue l’employeur, à savoir son obligation législative d’agir diligemment alors qu’il enquête sur des allégations de harcèlement sexuel au travail, rendant ainsi sa décision déraisonnable? 3) Le cas échéant, y a-t-il lieu de rendre le jugement à la place du TAT?

La première question est répondue par la négative. L’employeur, 9465812 Canada limitée, prétendait que les faits n’avaient pas été considérés par TAT2. Or, le fait de ne pas référer spécifiquement aux faits ne rend pas pour autant illégale la décision attaquée. La Cour détermine que TAT2 ne s’est pas trompé dans son analyse, puisqu’il a rendu une décision qui tient compte des faits centraux de l’affaire.

Ensuite, concernant la deuxième question, l’employeur est soumis à plusieurs obligations découlant de la Loi sur les normes du travail en matière de prévention du harcèlement sexuel au travail. L’employeur doit agir rapidement afin d’assurer aux salariés un environnement de travail exempt de harcèlement psychologique, et ce, même s’il s’agit de mesure provisoire.

Pour TAT2, la courte durée de l’enquête par l’employeur ne permet pas de réfuter la présomption simple de l’article 17 du Code du travail. Or, conclure ainsi ne tient pas compte des contraintes juridiques notamment prévues à la Loi sur les normes du travail et l’obligation de célérité qui incombe à un employeur dans un contexte de harcèlement.  Face à une présomption de congédiement illicite, le rôle de TAT2 consiste à évaluer si le motif invoqué par l’employeur, en l’occurrence le harcèlement sexuel, constituait une cause sérieuse et suffisante, par opposition à un prétexte, et si elle s’avérait la cause véritable du congédiement.

Reprocher à l’employeur sa célérité à ce sujet revient à le prendre injustement en défaut puisqu’il était de son devoir d’agir rapidement. Ainsi, TAT2 a omis de tenir compte des contraintes juridiques et factuelles importantes lorsqu’il conclut que le congédiement constituait une mesure de représailles en raison de ses activités syndicales en raison du fait que l’enquête de l’employeur n’a duré que quelques jours.

De plus, la Cour supérieure considère que le raisonnement de TAT2 fait en sorte que la présomption de l’article 17 du Code devient irréfragable. En effet, ce raisonnement empêche l’employeur de démontrer une autre cause de congédiement ce qui crée un sauf-conduit pour les représentants syndicaux. Dès lors que l’auteur allégué du harcèlement occupe une fonction syndicale au sein du milieu de travail, selon le raisonnement de TAT2, il pourrait se livrer à des comportements proscrits sans que l’employeur ne puisse le sanctionner. La décision de TAT2 est déraisonnable.

Le pourvoir est accueilli, la décision de TAT2 est annulée et le dossier est retourné à un autre membre du TAT pour une nouvelle décision.

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