Discrimination à l’embauche : la transidentité un motif protégé par la Charte

2 juillet 2024

Les termes « identité ou expression du genre » contenus à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne incluent notamment le fait d’être une personne trans.

Dans la décision Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (E.B.) c. 9302-6573 Québec inc. (Bar Lucky 7), 2024 QCTDP 9,  la plaignante s’identifie comme une femme trans et a postulé un emploi au Bar Lucky 7, exploité par la partie défenderesse 9302-6573 Canada Inc. Lors de sa formation, l’employée formatrice s’est montrée entièrement satisfaite des compétences de la plaignante. Cependant, après quelques heures, le gérant du bar aurait demandé à la plaignante si elle était transgenre, à quoi elle a répondu affirmativement. Suite à cette conversation, les parties défenderesses ont refusé de l’embaucher.

La défenderesse justifie ce refus en évoquant un risque pour la sécurité de la plaignante ou la réaction de la clientèle.

Après un examen approfondi de l’évolution législative et jurisprudentielle concernant l’identité et l’expression de genre, le Tribunal conclut que les termes « identité ou expression de genre » mentionnés à l’article 10 de la Charte incluent la condition d’être une personne transgenre.

En conséquence, le Tribunal estime que le refus d’embauche des parties défenderesses est indubitablement motivé par l’identité de genre de la plaignante. En effet, celle-ci s’est présentée au Bar suite à une invitation du gérant, exprimant un intérêt pour le poste de serveuse. Après un entretien téléphonique et une formation dès le lendemain, au cours de laquelle la formatrice a fait un retour positif au gérant, celui-ci a refusé l’embauche uniquement après avoir été informé de l’identité de genre de la plaignante.

Quant aux arguments avancés par la défenderesse pour justifier son refus, le Tribunal conclut que les préjugés potentiels ou même la violence présumée de la clientèle envers les personnes transgenres ne peuvent légitimer un tel refus d’embauche.

La demande est accueillie. Les parties défenderesses sont condamnées à payer un montant de 118,40$ pour réparer le préjudice matériel subis, ainsi que 10 000$ à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice moral subis et un montant de 2000$ à titre de dommages-intérêts punitifs en raison du caractère intentionnel de l’atteinte aux droits de la plaignante.

 

 

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