Dans la décision Syndicat des professionnels et professionnelles du gouvernement du Québec (SPGQ) c. Québec (l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE)), 2024 CanLII 65813 (QC SAT – a. Me Guy Roy), le Tribunal d’arbitrage est saisi de cinq griefs pour le compte du plaignant, un conseiller en aérospatiale au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (l’employeur). Le plaignant agit aussi à titre de co-porte-parole du Parti Québécois sur son temps personnel. L’employeur considère que cette situation contrevient à la Loi sur la fonction publique ainsi que le Règlement sur l’éthique et la discipline dans la fonction publique.
Ainsi, le plaignant est rencontré par l’employeur à de nombreuses reprises afin de lui faire part de l’incompatibilité de fonctions. Ce dernier soutient que des aménagements sont possibles entre les deux fonctions. Toutefois, l’employeur décide de le suspendre de façon progressive, puisqu’il n’effectue pas de choix entre son emploi de fonctionnaire et celui de co-porte-parole. Finalement, le plaignant est congédié, faute d’avoir effectué ledit choix.
Le Tribunal doit répondre aux questions suivantes : 1) les suspensions sont-elles justifiées ; 2) le plaignant a-t-il fait l’objet d’une double sanction ; 3) la fin d’emploi est-elle justifiée ; 4) le plaignant a-t-il démontré que les décisions de l’employeur de le suspendre et de le congédier sont contraires aux Chartes et ; 5) l’employeur a-t-il contrevenu à l’obligation d’accommodement ?
Tout d’abord, pour le Tribunal, les fonctions de co-porte-parole et de fonctionnaire sont incompatibles, car un fonctionnaire se doit d’être neutre et impartial. Ainsi, le Tribunal est d’avis que les suspensions sont justifiées, car lors des rencontres, le plaignant n’effectue aucun choix. D’autant plus que l’employeur lui a donné l’opportunité de prendre un congé sans traitement pendant la durée de ses fonctions de co-porte-parole.
Ensuite, le Tribunal répond à la deuxième question par la négative. Le plaignant est sanctionné pour le même geste, mais commis à des dates différentes. Quant à la troisième question, le plaignant a été suspendu progressivement, puis congédié. Pour le Tribunal, le fait que le plaignant refuse toujours de faire un choix, lors de la dernière rencontre, justifie son congédiement.
Pour la quatrième question, le Tribunal doit se soumettre aux critères élaborés dans l’arrêt Oakes[1] afin de déterminer si une violation des droits fondamentaux est permise suivant l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces critères s’énoncent comme suit : l’existence d’un objectif légitime à la mesure limitant cette liberté fondamentale, une atteinte minimale à la liberté protégée par la Charte et un lien rationnel établissant une proportionnalité entre les effets de la mesure et l’objectif visé par cette dernière.
En l’espèce, exiger d’un fonctionnaire qu’il fasse preuve de neutralité politique et d’impartialité dans ses fonctions constitue un lien rationnel avec l’objectif d’avoir une fonction publique neutre et impartiale. Le premier critère est donc satisfait. De plus, le fait de demander au plaignant de choisir entre les deux rôles constitue une atteinte minimale dans les circonstances, puisque les deux fonctions ne peuvent pas cohabiter. Ainsi, s’il y a eu une atteinte aux droits du plaignant, cela est justifié selon l’article premier de la Charte canadienne. Le Tribunal répond donc à cette question par la négative.
Finalement, le Tribunal conclut que l’employeur n’a pas contrevenu à son obligation d’accommodement, car la vision du plaignant est déraisonnable et constitue une contrainte excessive, dans les circonstances, pour celui-ci.
Les griefs sont rejetés.
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