PAR ME SHARLIE LAFRANCE
Dans cette décision, on se demande si le syndical remplit les critères pour obtenir une ordonnance de sauvegarde pour garantir un accès libre au local syndical et pour faire cesser la surveillance du local par caméra de surveillance.
Dans la décision Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’Hôtel Reine Elizabeth – CSN c. 3428826 Canada Ltd., 2024 QCTAT 1438 (j.a. François Demers – 25 avril 2024), le syndicat dépose une demande d’ordonnance provisoire au Tribunal administratif du travail à l’encontre de l’employeur. Par cette demande, le syndicat souhaite que l’employeur cesse de refuser l’accès au local syndical, qu’il cesse d’utiliser une caméra de surveillance, qu’il assure un traitement juste et équitable de sa gestion de toute mesure disciplinaire envers son personnel, qu’il cesse de rendre publiques les mesures disciplinaires qu’il impose notamment aux dirigeants syndicaux et qu’il transmette, sans délai, par courriel, à chacun des salariés visés par l’unité de négociation, la décision provisoire.
Ainsi, le tribunal doit décider si les circonstances justifient son intervention provisoire afin de faire cesser la contravention au Code du travail, notamment aux articles 3 et 12, et ce, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur le fond concernant ladite plainte. Pour ce faire, les critères suivants doivent être considérés : l’apparence de droit à obtenir les remèdes demandés, le préjudice sérieux si la demande est rejetée, la prépondérance des inconvénients et l’urgence.
Le syndicat a le fardeau de démontrer que les reproches qu’il invoque contre l’employeur sont marqués par une intention d’entraver les activités syndicales.
Premièrement, concernant la demande reliée à l’accès au local syndical, la preuve démontre que l’employeur a explicitement interdit à la présidente du syndicat l’accès à l’hôtel, et par le fait même, au local syndical, pour toute la durée de ses suspensions. Il y a donc une apparence de droit en faveur des prétentions du syndicat. Quant au préjudice sérieux, l’interdiction d’accès au local empêche nécessairement la présidente du syndicat de s’acquitter de ses tâches. Ce deuxième critère est donc satisfait.
Cependant, le tribunal conclut qu’il n’y a pas de preuve claire pour le moment à l’effet que l’accès au local a un impact réel sur les activités syndicales. La preuve ne révèle alors aucun préjudice réel pour le syndicat. Toutefois, dans l’ensemble, la preuve est en faveur de l’ordonnance recherchée.
Deuxièmement, concernant la demande de cesser d’utiliser une caméra de surveillance, il y a apparence de droit, notamment puisque la simple présence d’une caméra de surveillance dont le positionnement peut laisser croire que l’employeur peut identifier les employés qui se rendent au local syndical est problématique.
Par ailleurs, des déclarations assermentées de dirigeants syndicaux qui rapportent des réactions de salariés apercevant la caméra établissent le préjudice sérieux. De plus, dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients, le tribunal indique que la demande du syndicat n’aurait qu’un effet limité sur l’employeur, puisqu’il peut surveiller autrement ses installations.
Finalement, bien que le critère de l’urgence ne milite pas en faveur de l’ordonnance, le tribunal y donnera tout de même droit. En effet, la preuve révèle que la caméra est installée depuis longtemps sans que le syndicat ait considéré cette situation comme nécessitant une intervention urgente.
Les critères devant être analysés de manière globale, la demande d’ordonnance provisoire est partiellement accueillie. Le tribunal ordonne à l’employeur de permettre l’accès au local syndical et de cesser d’utiliser une caméra de surveillance. De plus, il ordonne à l’employeur de transmettre l’ordonnance provisoire à tous les salariés visés par les unités de négociation du syndicat.
Les autres demandes ne satisfaisant pas les critères établis pour l’ordonnance recherchée, le tribunal n’y donne pas droit.
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