Dans la décision Bellehumeur c. Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue, 2024 QCTAT 2249 (CanLII), 28 juin 2024 (j.a. Anick Chainey), le Tribunal administratif du travail est saisi d’une plainte en vertu de l’article 15 du Code du travail déposée par trois salariés, infirmier et infirmières cliniciennes, à l’encontre du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue, l’employeur. Les salariés estiment avoir fait l’objet de représailles à la suite de l’exercice légal de leur droit de grève, alors que l’employeur a suspendu le cumul de leur ancienneté lors des journées de grève. Ces trois salariés constituent les cas de figure présentés par la FIQ – Syndicat interprofessionnel en soins de santé de l’Abitibi‑Témiscamingue, mais les plaintes visent également l’ensemble des salariés à temps complet ayant exercé leur droit de grève.
Avant tout, l’employeur reconnait que la présomption de l’article 17 du Code du travail voulant que la sanction soit imposée à cause de l’exercice d’un droit prévu au Code s’applique au présent cas. Il allègue toutefois qu’il dispose d’une cause juste et suffisante lui permettant de procéder ainsi.
Le Tribunal doit donc déterminer si l’employeur a renversé la présomption voulant qu’il ait exercé des représailles à l’encontre de l’exercice du droit de grève et démontré une autre cause juste et suffisante expliquant sa décision de suspendre le cumul de l’ancienneté pour les personnes salariées à temps complet.
Pour l’employeur, l’article 59 du Code du travail lui permettait de ne pas maintenir les conditions de travail des salariés en période de grève. À l’inverse, pour le syndicat, cette dernière prétention de l’employeur est erronée, car la convention collective liant les parties contient une « clause de pont » qui indique que la convention collective demeure en vigueur jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle.
La preuve révèle que l’employeur a utilisé une clause de la convention collective s’appliquant aux salariés à temps partiel pour l’appliquer aux salariés à temps complet. Ce faisant, l’employeur a ajouté un élément qui n’a pas été négocié entre les parties à la convention collective. De plus, à l’aube d’une deuxième vague de grève, l’employeur ne pouvait ignorer que sa décision allait décourager les membres du syndicat d’exercer leur droit de grève
Le Tribunal retient que la position de l’employeur repose sur un motif illicite qui n’est pas prévu à la convention collective, ce qui constitue l’exercice de représailles liées directement à l’exercice de leur droit de grève. Il ne s’agit donc pas d’une autre cause juste et suffisante permettant de renverser la présomption.
Le Tribunal accueille les plaintes et ordonne à l’employeur de rétablir l’ancienneté des personnes salariées visées par la mesure.
Il s’agit d’un dossier à suivre, l’employeur contestant cette décision du Tribunal.
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