Dans la décision Groupe Alerte Santé inc. c. Fédération des employés du préhospitalier du Québec et als., (juge administrative Irène Zaïkoff), 27 mai 2024, le Tribunal administratif du travail, division des services essentiels, était saisi d’une demande de redressement intentée par l’employeur, Groupe Alerte Santé inc. Ce dernier emploie des répartiteurs médicaux d’urgence (ci-après, « RMU ») qui ont déclenché une grève de tâches le 14 mai 2024. Du même fait, le Tribunal avait entériné une liste de services essentiels à être maintenus durant la grève. À titre de moyen de pression, les RMU déplacent les matricules des paramédics dans un document numérique, faisant partie de leurs outils de travail. Ces matricules, ainsi que d’autres informations, sont inscrits par les paramédics au début de leur quart de travail dans leur système informatique, connecté à celui de l’employeur. L’employeur prétend que ce moyen de pression contrevient à la liste établie par le tribunal.
Le Tribunal conclut qu’il ne peut intervenir dans le présent dossier : le moyen de pression ne contrevient pas à la liste et les services essentiels sont suffisants.
En effet, le Tribunal accorde une grande importance au témoignage du témoin du syndicat. Mme Line Charbonneau, occupant un poste de RMU, décrit au tribunal que ses fonctions requièrent d’accomplir plusieurs tâches à la fois. Elle indique que le fait de déplacer le matricule des paramédics d’un champ à l’autre dans un formulaire ne rend pas son travail moins efficace et ne génère aucun risque pour la santé et la sécurité de la population. Le seul effet pour les RMU est de nécessiter une manipulation supplémentaire sur l’un de leurs 4 écrans de travail à l’ordinateur. Le témoin de l’employeur confirme également que le matricule des paramédics n’est d’aucune utilité dans la répartition des ressources ambulancières sur le territoire.
Pour juger que les services essentiels sont bel et bien rendus, le Tribunal est appelé à appliquer la liste de services essentiels sans en étendre la portée ni la limiter. Selon l’employeur, il aurait fallu que la liste prévoie expressément que les RMU sont autorisés à déplacer les matricules des paramédics. Également, il ne serait pas utile d’identifier quelle tâche prévue à la liste se trouve compromise puisque l’absence de mention expresse sur le déplacement du matricule suffit à démontrer une violation de la liste. Le Tribunal rejette ces arguments.
La liste des services essentiels n’a pas nécessairement à prévoir les moyens d’action concertés de cessation de travail par les employés, ce qui est l’essence même d’une grève.
Du fait que le moyen de pression exercé par les répartiteurs ne porte pas atteinte aux services essentiels et ne met pas en danger la santé ou la sécurité publique, la demande d’intervention est rejetée.
Text