Preuve par ouï-dire : inadmissibilité d’un reportage télévisé en arbitrage de grief

3 Décembre 2024

Dans la décision Syndicat du personnel paratechnique, des services auxiliaires et de métier du CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec – CSN c CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2024 CanLII 112319 (a. Valérie Korozs) le Tribunal est appelé à se prononcer sur l’admissibilité en preuve d’un reportage télévisé, qui a été invoqué par l’employeur pour justifier la décision de congédier le plaignant, suite à des allégations préoccupantes révélées dans ce reportage.

L’objection du syndicat à l’admissibilité en preuve du reportage repose sur la règle bien établie du ouï-dire. Selon cette règle, une déclaration faite par un témoin qui rapporte ce qu’une autre personne lui a dit n’est généralement pas admissible pour prouver la véracité de ce qu’il a entendu, sauf si le Tribunal l’autorise ou en l’absence de contestations. Toutefois, la jurisprudence reconnaît qu’un arbitre peut, dans certains cas, autoriser une preuve par ouï-dire, en vertu de l’article 100.2 du Code du travail, qui confère à l’arbitre le pouvoir de déterminer la procédure et les modes de preuve qu’il juge appropriés.

Cependant, récemment, la Cour supérieure a rappelé que les arbitres doivent respecter les principes de la justice naturelle. En conséquence, la preuve par ouï-dire est en principe incompatible avec ces principes fondamentaux, puisque l’arbitrage de grief obéit aux mêmes règles de preuve que celles des tribunaux de droit commun, avec quelques nuances. Dans le cadre d’un congédiement, où une justice de haute qualité est particulièrement importante, la règle du ouï-dire est encore plus stricte.

Ainsi, en appliquant cette règle, il en découle que les allégations rapportées dans le reportage télévisé ne sont pas admissibles en preuve. Seule la version présentée par le plaignant à l’audience peut être considérée. Par conséquent, même si le reportage contient des déclarations choquantes à l’encontre du plaignant, l’arbitre doit, en respectant les principes de justice naturelle, ignorer complètement le contenu du reportage et fonder son analyse uniquement sur les déclarations faites à l’audience par le plaignant.

En conclusion, l’objection syndicale concernant la preuve est fondée. Le contenu du reportage n’a aucune valeur probante puisqu’il ne peut être utilisé pour prouver les faits qu’il contient.

L’objection à la preuve par ouï-dire est donc acceptée.

Par ailleurs, le grief est accueilli et le congédiement est annulé, les faits à l’origine du congédiement n’ayant pas de lien avec l’emploi que le plaignant occupe.

 

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