Dans l’arrêt MédiaQMI inc. c. Desormeau, 2024 QCCA 440, la Cour d’appel doit déterminer si la levée des ordonnances de huis clos dans un dossier disciplinaire risque de compromettre les droits constitutionnels d’une anesthésiste également visée par une enquête criminelle. Contrairement à la Cour supérieure, la Cour d’appel conclut qu’il n’y a pas de risque sérieux d’atteinte à la protection contre l’auto-incrimination, puisque l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après, Charte canadienne) assure une protection résiduelle suffisante. Elle rétablit donc la décision du Conseil de discipline levant les ordonnances de confidentialité et réaffirme la primauté de la publicité des débats judiciaires.
L’intimé plaide en appel que la levée des ordonnances de non-publication et de huis clos aurait pour conséquence de permettre l’utilisation du dossier disciplinaire de manière indirecte par les autorités policières dans le cadre l’enquête criminelle en cours.
Le droit au silence et la protection contre l’auto-incrimination sont des principes de justice fondamentale garantis par l’article 7 de la Charte canadienne. Toutefois, cette protection n’est pas absolue : elle dépend du contexte, notamment du moment où l’individu est sous le contrôle de l’État, comme lors d’une détention. En matière disciplinaire, la personne visée par une enquête est tenue de collaborer, mais les renseignements ainsi obtenus ne pourront être utilisés contre elle dans un procès criminel en raison de la protection résiduelle de l’article 7, soit l’immunité contre l’utilisation de la preuve dérivée, comme l’ont établi les arrêts White[1] et Branch[2] de la Cour suprême.
Selon la Cour d’appel, il n’existe pas ici de risque sérieux d’atteinte au droit au silence ou à la protection contre l’auto-incrimination. Et même si un tel risque était présumé, les tribunaux criminels pourraient écarter toute preuve obtenue en violation de la Charte. Cette protection résiduelle est donc suffisante pour écarter le besoin d’une ordonnance de huis clos, qui limiterait la publicité des débats judiciaires.
La divulgation des faits dans le cadre du processus disciplinaire est une conséquence inévitable, même si une enquête criminelle est en cours. Les mesures procédurales existantes protègent adéquatement les droits de l’intimée, si bien qu’on ne peut conclure à un risque sérieux justifiant de restreindre l’accès public aux audiences disciplinaires.
Text