Dans la décision Syndicat des employés et des employées de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (SECDPDJ-CSN) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), 2024 CanLII 67123 (QC SAT – a. Me Francine Lamy), le Tribunal d’arbitrage est saisi d’un grief qui conteste le refus de l’employeur, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, de permettre à une salariée de fournir sa prestation en télétravail à temps complet comme accommodement raisonnable aux maux liés à sa grossesse, caractérisés par une fatigue extrême. L’employeur possède une politique sur le télétravail en mode hybride qui oblige les salariés à travailler au bureau au moins deux jours par semaine.
Pour le syndicat, le refus de l’employeur est discriminatoire en ce qu’il est contraire à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. De son côté, l’employeur soutient que le syndicat n’a pas rempli son fardeau de démontrer que la plaignante a été victime de discrimination et donc, qu’il n’a aucune obligation de l’accommoder.
Le Tribunal doit donc déterminer : 1) si l’employeur avait l’obligation d’accommoder raisonnablement la grossesse de la plaignante ; et 2) s’il s’est déchargé de son obligation.
Pour répondre à la première question, le syndicat doit démontrer que la plaignante a fait l’objet d’une distinction, exclusion ou préférence fondée sur un motif énuméré au premier alinéa de l’article 10, soit la grossesse. Ensuite, il faut voir si cela est susceptible de compromettre son droit à la reconnaissance, en pleine égalité, d’un droit ou d’une liberté de la personne. Si ces trois éléments sont démontrés suivant la prépondérance des probabilités, l’employeur devra justifier sa décision.
Le syndicat a démontré que la politique de l’employeur ne tient pas compte des désavantages qui découlent de la grossesse de la plaignante. Ainsi, la distinction est établie. Ensuite, le lien entre la distinction et le motif illicite est fait, notamment car le besoin de dormir de la plaignante a été présenté à l’employeur comme découlant de l’état de grossesse de celle-ci. Finalement, concernant le troisième critère, l’article 16 de la Charte des droits et libertés de la personne prévoit le droit à des conditions de travail sans discrimination. Ainsi, le syndicat a démontré que la plaignante était désavantagée, voire lésée, par l’exigence de la politique de fournir sa prestation au bureau deux jours par semaine.
L’employeur doit donc justifier sa décision en démontrant que la norme contestée constitue une exigence professionnelle justifiée. Premièrement, la politique poursuit un objectif légitime et lié au travail accompli, entre autres pour maintenir la participation à la vie au travail. De plus, lorsque le syndicat a approché l’employeur concernant le besoin de dormir au travail de la salariée, l’employeur a agi rapidement en lui offrant un matelas de sol en plus d’indiquer sa flexibilité quant à l’aménagement de l’horaire de la plaignante.
Le grief est donc rejeté. Le Tribunal conclut que bien que l’employeur eût l’obligation d’accommoder la plaignante, les aménagements proposés étaient raisonnables.
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