Dans la décision Projets autochtones du Québec et Syndicat des travailleuses et travailleurs en intervention communautaire – CSN, 2025 QCTAT 86 (j.a. Marie-Claude Grignon), le Tribunal administratif du travail doit déterminer si une ordonnance de maintien des services essentiels en cas de grève doit être rendue dans le présent dossier.
L’employeur, Projets autochtones du Québec, est un organisme autochtone qui accompagne les membres des Premières Nations en offrant des refuges d’urgence ainsi que d’autres ressources d’hébergement et de services culturellement adaptés aux communautés autochtones en milieu urbain. De son côté, le syndicat représente plusieurs salariés œuvrant dans les cinq établissements de l’employeur, dont des intervenants de première ligne, des cuisiniers et des intervenants psychosociaux.
Dans son analyse, le tribunal doit déterminer si la nature des opérations de l’employeur le rend assimilable à un service public. Dans l’affirmative, une grève des salariés représentés par le syndicat peut-elle avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publiques ?
Un des principaux arguments invoqués par le syndicat est que puisque l’employeur se situe en territoire montréalais, plusieurs autres ressources en matière d’itinérance sont à la disposition des personnes itinérantes. Ainsi, selon lui, l’employeur n’est pas un service essentiel.
Cependant, en analysant l’ensemble des opérations de l’employeur, le tribunal conclut que les services rendus par ce dernier le rendent assimilable à un service public aux fins de l’application des dispositions du Code du travail. En effet, ils répondent à une mission publique en raison de l’importance que revêt l’accès à un gîte sécuritaire pour des personnes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir. De plus, les services sont offerts aux membres des Premières Nations et sont d’une importance primordiale pour combler leurs besoins essentiels. Enfin, les services de l’employeur sont offerts de manière continue, soit 24 heures sur 24, et sept jours par semaine.
En second lieu, le tribunal doit déterminer si l’interruption d’au moins un service rendu par l’employeur peut mettre en danger la santé ou la sécurité du public. Bien que l’employeur puisse relocaliser certains usagers dans d’autres organismes en cas de débordement, il n’en demeure pas moins que la clientèle desservie par l’employeur comporte des défis additionnels. D’ailleurs, les usagers peuvent être accueillis par les centres d’hébergement de l’employeur, et ce, même s’ils sont intoxiqués. De plus, les salariés étant formés pour gérer cette clientèle spécifique, ils peuvent aider les usagers en période de crise ou de désorganisation. Ainsi, en cas de grève, l’employeur ne pourrait pas maintenir des services sécuritaires pour les usagers.
Le tribunal déclare que l’employeur doit être considéré comme un service public et ordonne aux parties de maintenir des services essentiels en cas de grève.
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