Dans la décision Commissaire à la déontologie policière c. C., 2025 QCTADP 9 (j.a. Marc-Antoine Adams), le Tribunal administratif de déontologie policière est appelé à décider d’une citation à l’encontre d’une lieutenante-détective du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) comportant deux chefs distincts, soit : 1/ de ne pas s’être comportée de manière à préserver la confiance et la considération que requièrent ses fonctions en demandant à une enquêtrice privée de transmettre un message inapproprié à une citoyenne, contrairement à l’article 5 du Code de déontologie des policiers du Québec ; 2/ d’avoir abusé de son autorité en tentant d’intimider ou de menacer et/ou en intimidant ou menaçant une citoyenne par l’entremise d’une enquêtrice privée, contrairement à l’article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec.
Le contexte entourant les propos qui auraient été tenus le 12 novembre 2019 permet une meilleure compréhension des événements. La citoyenne qui a porté plainte est la mère d’un citoyen visé par une enquête criminelle, lequel a été arrêté à quatre reprises par la sergente-détective citée (désormais lieutenante-détective) durant les années où elle occupait de telles fonctions.
Dans le cadre des procédures judiciaires, la plaignante a retenu les services d’une enquêtrice privée pour faire la lumière sur les reproches visant son fils et, ultimement, le blanchir. C’est ainsi que le 12 novembre 2019, l’enquêtrice privée se rend à la rencontre de la sergente-détective au poste de police afin de récupérer un ordinateur qui avait été saisi dans la cadre d’une enquête criminelle visant le fils de la plaignante.
Durant ce bref échange, la sergente-détective fait état de plusieurs plaintes en déontologie policière déposées contre elle et ses collègues par le fils de la plaignante et met en garde l’enquêtrice privée en évoquant le risque qu’elle subisse un sort semblable si la famille est insatisfaite de son travail.
Selon l’enquêtrice privée, la sergente-détective lui aurait alors également demandé de transmettre à la citoyenne un message voulant que, si les plaintes continuaient, elle pourrait elle-même faire une plainte pour harcèlement. La sergente-détective citée nie tous les manquements reprochés.
Il est admis par les parties que le fils de la plaignante, en son nom, a déposé quatre plaintes contre la sergente-détective citée et deux autres plaintes contre ses collègues, toutes ayant fait l’objet d’une décision de refus. Quant à la plaignante, elle a déposé deux plaintes contre la sergente-détective citée, l’une faisant l’objet du présent dossier et l’autre ayant été refusée.
Le Tribunal est confronté à des versions contradictoires sur les propos en litige. Ainsi, il doit retenir la version qu’il juge la plus probable. Le Tribunal prend le soin de souligner certaines failles dans le témoignage de l’enquêtrice privée affectant la fiabilité et la crédibilité de celle-ci. En effet, elle a eu tendance à plusieurs reprises à chercher à convaincre en étant très affirmative, en argumentant et en donnant son opinion, parfois au prix de certaines exagérations. Par ailleurs, le Tribunal remet en question la neutralité de celle-ci en raison de la relation qu’elle entretenait avec la plaignante et son fils, qui s’est développée au-delà de stricts échanges professionnels.
Relativement au premier chef de citation, le Tribunal conclut que la Commissaire ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer tous les éléments constitutifs du manquement reproché : la demande de faire un message, le contenu inapproprié du message envisagé, le messager et le destinataire du message. Le Tribunal soulève une contradiction importante entre le témoignage de la plaignante et celui de l’enquêtrice privée. La première prétend que l’enquêtrice privée lui aurait communiqué le message quelques mois plus tard, alors que la seconde affirme avoir transmis le message à la plaignante dans les jours suivants le 12 novembre 2019, compte tenu de la gravité du message de menace.
Le Tribunal se montre plus enclin à retenir la thèse de la partie policière. Certes, la sergente-détective a pu se montrer exaspérée par la multiplication des plaintes déontologiques à son encontre, mais « l’idée qu’une policière d’expérience comme la sergente-détective Côté ait pu ouvertement mandater une enquêtrice privée et ex-policière de transmettre à sa cliente un message de menace alors que, suivant sa compréhension, cette cliente faisait tout pour lui imputer des fautes déontologiques, apparaît, somme toute, peu vraisemblable » (voir paragraphe 96 de la décision).
Le Tribunal conclut que la sergente-détective n’a pas commis les actes dérogatoires qui lui sont reprochés.
Le cabinet RBD Avocats représentait la policière intimée dans cette affaire.
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