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Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail : aide-mémoire des récentes modifications

Par Me Amélie Soulez

 

Le volumineux projet de loi 59 concernant la modernisation du régime de santé et de sécurité du travail a été adopté en date du 30 septembre 2021 par l’Assemblée nationale et implique plusieurs modifications qui touchent les droits des travailleurs. Il s’agit de la plus importante modernisation des lois encadrant la santé et la sécurité du travail en plus de 35 ans. Parmi l’ensemble des modifications apportées à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après : « LATMP) et à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (ci-après : « LSST »), nous résumerons dans le présent aide-mémoire les changements que nous estimons les plus importants et qui touchent plus particulièrement les droits des travailleurs. Nous aborderons plus spécifiquement les modifications qui sont entrées en vigueur en date du 6 octobre 2021 ainsi que celles qui entreront en vigueur prochainement, soit en date du 6 avril 2022.

 

A) Modifications en vigueur depuis le 6 octobre 2021

  1. Règlement sur les maladies professionnelles

L’ancienne version de la LATMP énumérait une série de présomptions de maladies professionnelles prévues par l’article 29 et l’annexe I.

La nouvelle version de la LATMP prévoit une liste de maladies professionnelles qui se trouve dorénavant dans le Règlement sur les maladies professionnelles. Cette liste sera mise à jour en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques. Le principe demeure le même : le travailleur atteint d’une maladie visée par cette liste est présumé atteint d’une maladie professionnelle s’il a exercé les fonctions correspondantes. Ainsi, il est dispensé de démontrer le lien causal entre sa maladie et son travail. Les nouvelles dispositions permettent à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après : « CNESST ») d’adopter des règlements qui préciseront les conditions particulières applicables aux maladies qui y sont énumérées, notamment dans le cas d’une surdité professionnelle. Le Règlement sur les maladies professionnelles reprend les présomptions qui étaient prévues dans l’ancienne version de la LATMP, mais comprend également certains ajouts :

  • La maladie de Parkinson

Afin de bénéficier de la présomption, le travailleur ou la travailleuse doit démontrer :

« Avoir exercé un travail impliquant une exposition d’une durée minimale de 10 ans aux pesticides qui sont des produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques à usage agricole ou destinés à l’entretien des végétaux ou qui sont des biocides ou antiparasitaires vétérinaires. Un travail implique une exposition aux pesticides lorsque : il y a manipulation ou emploi de pesticides par contact ou inhalation ; il y a contact avec des cultures, surfaces ou animaux tirés ou avec des machines utilisées pour l’application de pesticides. Le diagnostic ne doit pas avoir été posé plus de 7 ans après la fin de l’exposition aux pesticides. »

  • Certains cancers chez les pompiers

Lorsque le travailleur ou la travailleuse démontre qu’il ou qu’elle est ou a été un pompier ou pompière combattant à temps plein ou temps partiel à l’emploi d’une ville ou d’une municipalité, il bénéficie d’une présomption de maladie professionnelle pour les maladies suivantes : mésothéliome non pulmonaire, cancer du rein, cancer de la vessie, cancer du larynx, myélome multiple, lymphome non hodgkinien, cancer de la peau, cancer de la prostate.

  • Le trouble de stress post-traumatique

Afin de bénéficier de la présomption, le travailleur ou la travailleuse doit démontrer :

« avoir exercé un travail impliquant une exposition de manière répétée ou extrême à une blessure grave, à de la violence sexuelle, à une menace de mort ou à la mort effective, laquelle n’est pas occasionnée par des causes naturelles. »

Il s’agit de la première présomption en matière de lésions psychologiques.

 

  1. Encadrement des prestations dues en raison d’une maladie professionnelle

L’article 272 de la LATMP prévoit que le travailleur ou la travailleuse doit déposer sa réclamation dans les six (6) mois à compter du moment où la relation entre la maladie et le travail est établie médicalement et où le travailleur ou la travailleuse est informé de cette relation par son médecin. L’ancienne version de la LATMP n’encadrait pas le traitement des réclamations déposées tardivement dans le cas d’une maladie professionnelle.

Les nouvelles dispositions prévoient que lorsqu’une réclamation de maladie professionnelle est soumise plus de trois ans après la réception du diagnostic, le droit des prestations débute à compter du dépôt de la réclamation et non à la date de la manifestation de la maladie professionnelle ou de l’incapacité de la travailleuse ou du travailleur à exercer son emploi. 

 

  1. Application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail dans le cadre du télétravail

Les nouvelles dispositions prévoient que l’emplacement où s’effectue le télétravail est considéré comme un lieu de travail au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (ci-après : « LSST »). Les obligations prévues à la LSST s’appliquent donc à la travailleuse ou au travailleur qui est en télétravail ainsi qu’à son employeur. Il y a lieu de mentionner qu’un inspecteur de la CNESST ne peut pas entrer dans un lieu où s’exécute du télétravail lorsque cette activité se déroule dans une résidence privée. Cela dit, les nouvelles dispositions de la LSST prévoient qu’un juge de la Cour du Québec peut émettre une ordonnance autorisant l’inspecteur de la CNESST à entrer dans la maison sans le consentement de la travailleuse ou du travailleur s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que la travailleuse ou le travailleur ou une personne se trouvant sur un tel lieu est exposé à un danger qui met en péril sa vie, sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou psychique.

 

  1. Violence et prévention

Les anciennes dispositions de la LSST précisent que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique. Les nouvelles dispositions prévoient maintenant formellement l’obligation d’un employeur de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la protection de la travailleuse ou du travailleur exposé à une situation de violence physique ou psychologique, dont une situation de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel.

 

  1. Protection des stagiaires

L’ancienne version de la LATMP ne couvrait pas les stagiaires dans le cadre d’un stage d’observation non payé en milieu de travail. Les nouvelles dispositions de la LATMP prévoient que la ou le stagiaire qui effectue un stage d’observation non payé en milieu de travail est couvert par le régime de la CNESST en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

 

  1. Création des comités sur les maladies professionnelles oncologiques

L’ancienne version de la LATMP ne prévoyait aucune procédure d’évaluation médicale particulière pour les réclamations en lien avec un cancer autre que pulmonaire. Les nouvelles dispositions créent une procédure d’évaluation médicale particulière pour les réclamations en lien avec un cancer en mettant sur pied le Comité des maladies professionnelles oncologiques dont les membres sont nommés par le gouvernement. La procédure d’évaluation médiale est similaire à celle qui était déjà prévue pour les maladies professionnelles pulmonaires.

 

B) Modifications qui seront en vigueur le 6 avril 2022

  1. Délai de prescription des indemnités à la suite d’un décès

Dans l’ancienne version de la LATMP, il n’y avait aucun délai de prescription pour les indemnités pour un décès causé par un accident du travail ou une maladie professionnelle. Les nouvelles dispositions prévoient que le droit de réclamer une indemnité de décès s’éteint sept (7) ans après la date de décès du travailleur.

 

  1. Travailleuses et travailleurs domestiques

Les anciennes dispositions de la LATMP ne prévoyaient pas la couverture automatique au régime de la CNESST des travailleuses ou travailleurs qui exerçaient des tâches domestiques en cas d’accident du travail ou de maladies professionnelles. Les nouvelles dispositions prévoient une couverture automatique lorsqu’ils doivent fournir une prestation de travail pour un même particulier au minimum 420 heures sur une période d’un an ou 30 heures par semaine au cours d’une période de 7 semaines consécutives. Ainsi, le particulier qui emploie une travailleuse ou un travailleur domestique couvert par la loi doit s’inscrire comme employeur à la CNESST.

 

  1. Régime intérimaire de prévention de la Loi sur la santé et la sécurité du travail

Les anciennes dispositions de la LSST mettaient en place des mécanismes de prévention relatifs à la santé et la sécurité des travailleurs pour les groupes prioritaires I, II et III. Les mécanismes de participation étaient déployés pour les groupes prioritaires I et II en fonction de la taille de l’établissement et aucun des mécanismes prévus dans la LSST n’était déployé pour les autres établissements. Les policiers et pompiers ne font pas partie des groupes prioritaires I et II.

Les nouvelles dispositions de la LSST mettent en place un régime de prévention plus complet qui varie en fonction du nombre de travailleurs dans un établissement. Ainsi, la notion des groupes prioritaires est mise de côté. La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail prévoit que les nouvelles dispositions entreront en vigueur à la date ou aux dates fixées par le gouvernement, et ce, une fois l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur les mécanismes de prévention et de participation. Cela dit, il importe de noter que la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail prévoit la mise en place d’un régime intérimaire de prévention. Ainsi, en date du 6 avril 2022, le régime intérimaire de prévention entrera en vigueur. Les modalités dudit régime sont les suivantes :

  • Les établissements ayant 20 travailleuses et travailleurs et plus doivent :
    • Mettre en place un comité de santé et de sécurité ;
    • Consigner l’identification et l’analyse des risques à la santé des travailleurs ainsi que les risques pouvant affecter leur sécurité ;
    • Désigner au moins un représentant en santé et en sécurité ;
  • Les établissements ayant moins de 20 travailleuses et travailleurs doivent :
    • Consigner l’identification et l’analyse des risques à la santé des travailleurs ainsi que les risques pouvant affecter leur sécurité ;
    • Désigner un agent ou une agente de liaison en santé et sécurité.

 

Pour l’employeur qui possède plusieurs établissements, il est possible de faire le même exercice pour l’ensemble des établissements à la condition que les activités soient de même nature. Ainsi, un seul comité de santé et sécurité doit être formé et un seul représentant en santé et en sécurité doit être désigné pour l’ensemble des établissements.

Il importe de noter que l’agent(e) de liaison en santé et sécurité ou le représentant(e) en santé et sécuritédoit être une travailleuse ou un travailleur qui occupe un emploi à temps plein, à temps partiel ou saisonnier dans l’établissement. En milieu syndiqué, l’agente ou l’agent de liaison doit être désigné par l’association accréditée.

Le Comité de santé et sécurité doit comprendre au moins 1 membre représentant de l’employeur et un maximum de 11 membres représentant les travailleurs. Il peut y avoir autant de membres représentant l’employeur au sein du comité qu’on y compte de membres représentant les travailleurs. En milieu syndiqué, les membres représentant les travailleurs sont désignés par l’association accréditée.

La personne qui occupe l’une ou l’autre des fonctions ci-haut mentionnées est protégée par les dispositions LSST. Ainsi, l’employeur ne peut la congédier, la suspendre ou la déplacer de son poste pour le motif qu’elle exerce ses fonctions.

 

C) Dates d’entrée en vigueur des autres modifications

Prenez note que d’autres modifications à la suite la réforme du régime de la santé et de la sécurité du travail doivent entrer en vigueur en date du 6 octobre 2022, 1er janvier 2023, 6 avril 2023, 1er janvier 2024 et feront l’objet d’un prochain article.