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Télétravail et droits des travailleurs: qu’en est-il?

Me Élizabeth Perreault

 

Suite à notre article sur les obligations en matière de santé et sécurité au travail au temps de la COVID-19 et celui sur les cas d’intervention de la CNESST, nous croyons également utile de nous prononcer sur ce sujet en matière de travail à la maison.  Effectivement, les mesures gouvernementales adoptées afin d’empêcher la propagation de la COVID-19 ont obligé plusieurs employeurs à permettre, voire à imposer, le travail à domicile, que nous désignerons par « télétravail ». Cette solution, même prise dans un contexte de pandémie mondiale, n’est pas sans conséquence juridique.

Bien que la prestation de travail ne soit pas accomplie sur les lieux habituels, l’employeur conserve plusieurs obligations afin d’assurer un environnement de travail adéquat aux employés.

 

Santé et sécurité au travail

Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001 (« LATMP »)

Les employés, en situation de télétravail, sont tout de même protégés par les dispositions prévues à la LATMP en cas de lésion professionnelle[1]. En cas d’accident du travail, une réclamation peut donc être adressée à la CNESST.

Qui plus est, la jurisprudence majoritaire est à l’effet que la présomption prévue à l’article 28 LATMP, qui prévoit qu’une blessure qui arrive sur les lieux du travail est présumée être une lésion professionnelle, peut trouver application en contexte de télétravail[2].

 

Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1. (« LSST »)

Bien que les télétravailleurs ne soient pas expressément mentionnés dans cette loi, rien ne nous permet de conclure qu’ils sont exclus de son application[3]. En effet, selon la rédaction de chaque article, la LSST peut trouver application en contexte de télétravail[4].

Cette loi prévoit notamment que chaque travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique[5]. Le travailleur doit également « prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique »[6].

Nous vous rappelons également que le libellé de l’article 51 de la LSST impose les obligations suivantes aux employeurs :

« 51. L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. Il doit notamment: (…)

3° s’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur;

4° contrôler la tenue des lieux de travail, fournir des installations sanitaires, l’eau potable, un éclairage, une aération et un chauffage convenable et faire en sorte que les repas pris sur les lieux de travail soient consommés dans des conditions hygiéniques;

5° utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur ; (…) »

 

Mobilier adéquat

Sous réserve d’ententes négociées ou de clauses de conventions collectives, un employeur n’a pas, pour permettre le télétravail lié à la COVID-19, à fournir du mobilier de bureau ergonomique (ex : chaise ajustable, bureau de travail) pour le domicile des salariés. Par contre, si un employeur voulait retenir les services d’un ergonome pour évaluer le poste de travail à domicile d’un employé[7], ce dernier pourrait devoir collaborer et permettre la visite de ce spécialiste[8].

Nous soulignons également qu’il n’est pas exclu que certains frais liés à la réalisation du télétravail puissent être considérés comme des dépenses liées à l’emploi pouvant faire l’objet d’une déduction fiscale provinciale. Ce serait notamment le cas des frais liés à l’achat de papeterie, les frais d’appels interurbains, les frais d’appels faits par téléphone cellulaire (en proportion de l’utilisation faite dans l’exercice des fonctions) et les frais d’utilisation du réseau Internet facturés en fonction de l’utilisation des services[9][10]. Ces mesures ne s’appliquent pas à tous les employés en situation de télétravail, et nous vous invitons à en discuter avec votre conseiller financier.

________________________

[1] L’article 2 LATMP s’intéressant plutôt au moment de survenance de la lésion, plutôt qu’au lieu. 

[2] Voir par exemple : Club des petits-déjeuners du Québec et Frappier, 2009 QCCLP 7647.

[3] Anne-Julie Couture et Marianne Routhier-Caron, « Qui dit nouvelles technologies, dit nouvelle ère pour le droit du travail », dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit du travail (2017), vol 429, Cowansville (QC), Éditions Yvon Blais, 2017.

[4] Rachel COX, Jacques DESMARAIS et Katherine LIPPEL, Les enjeux juridiques du télétravail au Québec, Rapport de recherche publié par le CEFRIO, mai 2001, 145 p

[5] LSST, art. 9.

[6] LSST, art. 49.

[7] En supposant bien sûr que les mesures de confinement soient levées!

[8] Rachel COX, Jacques DESMARAIS et Katherine LIPPEL, Les enjeux juridiques du télétravail au Québec, Rapport de recherche publié par le CEFRIO, mai 2001, p. 52.

[9] Cela ne comprend pas le coût mensuel d’accès au réseau Internet.

[10] REVENU QUÉBEC, Les dépenses d’emploi, 2019, IN-118 (2020-02), p. 11.